CENTRE DE RECHERCHES ET D'ETUDES SUR LES ... - CREDHO
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que M. Beldjoudi n’est jamais allé dans son pays d'origine, qu’il n’en parle pas la langue, et le fait<br />
que son épouse peut avoir de bonnes raisons de ne pas vouloir vivre en Algérie. La Commission<br />
retient également que “les infractions commises au jour où l'expulsion est prononcée ne sont pas<br />
d'une gravité telle que la mesure s'imposait”. La Commission considère donc qu'il y a ingérence<br />
dans les trois garanties à l'article 8, et que l'expulsion serait une violation de ce droit protégé. La<br />
Cour européenne des droits de l’Homme adopte les mêmes motivations.<br />
Je terminerai par un commentaire sur les avis divergents qui ont été émis par les juges de la Cour<br />
européenne des droits de l’Homme. Il y a eu une première opinion séparée d’un juge qui a voté<br />
favorablement à la thèse de la disproportionnalité de la mesure d’expulsion par rapport à un droit<br />
protégé, mais en considérant que le droit qui devait être protégé était le droit à la vie privée, et non<br />
pas le droit à la vie familiale. Le bâtonnier Pettiti a émis une opinion dissidente. Il a considéré que<br />
cette décision est un cas d'espèce, concernant quelqu'un vivant en France depuis quarante-et-un<br />
ans, et que cette décision n’analysait pas et ne posait pas les critères de la proportionnalité ou de la<br />
disproportionnalité. Le Juge Pettiti reproche à cette décision de créer une catégorie de “quasifrançais”,<br />
pour ceux qui n’ont pas la nationalité française, mais qui ont vécu toute leur vie en<br />
France. Et enfin, il se pose la question du seuil de récidive à partir duquel l’expulsion doit être<br />
possible pour ce genre de délinquant.<br />
Personnellement, je suis favorable à la thèse développée par la Commission et par la Cour<br />
européenne des droits de l’Homme. Etant habitué à voir souvent des personnes, et surtout des<br />
jeunes, de nationalité étrangère, mais qui ont vécu toute leur vie en France, je constate que ces<br />
mesures d’expulsion sont des mesures terribles, certainement beaucoup plus sévères que<br />
l’emprisonnement, et qui doivent s’analyser comme de véritables mesures de bannissement. Il<br />
n’est pas envisageable de contraindre une personne à quitter le pays dans lequel il a toujours vécu,<br />
son cadre de vie, son milieu social, pour se rendre dans un autre pays où il est totalement étranger,<br />
dans lequel il n’est jamais allé, et dont il ne partage pas la langue. Le critère de nationalité est un<br />
critère qui doit alors être totalement accessoire. C’est le critère du pays d’origine qui doit prévaloir,<br />
avec peut-être cette notion de “quasi-nationalité” critiquée par le bâtonnier Pettiti. M. Beldjoudi a<br />
une “quasi-nationalité” française, pour avoir vécu plus de quarante ans en France. Il doit être<br />
constaté que l’évolution législative a suivi cette décision de la Cour européenne des droits de<br />
l’Homme, puisqu’une loi de décembre 1991, qui a modifié notamment l’ordonnance de 1945 sur la<br />
situation des étrangers en France, a supprimé ce que l’on appelait la “double peine”, c’est-à-dire la<br />
possibilité de renvoyer de France ceux des étrangers résidant en France depuis tout le temps, et qui<br />
ont été condamnés par des juridictions pénales pour un certain nombre d’infractions. Cette<br />
évolution va dans le sens de la Cour européenne des droits de l’Homme.<br />
Il convient enfin de faire un dernier commentaire pour indiquer qu’entre la décision de la<br />
Commission européenne des droits de l’Homme et la décision de la Cour européenne des droits de<br />
l’Homme est intervenue la décision du Conseil d’Etat, à la suite de l’appel fait par M. Beldjoudi