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Le Conte

Tout sur les contes

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LE FAIRE MYTHIQUE DANS LE CONTE MERVEILLEUX MAROCAIN<br />

femmes du Sultan et le Vizir usant d'un discours réprouvé, donc antisocial ; le<br />

Pêcheur tient le discours du croyant et de l'humble ; les garçons illustrent le discours<br />

du devoir-faire, « cela est écrit » disent-ils ; la fille s'inscrit à l'opposé de ses frères et<br />

même de son père adoptif. Elle est le relais intra-diégétique du véritable Destinateur<br />

(le En 4 ). Reste l'oiseau, responsable du discours tautologique, relayant l'instance<br />

d'énonciation n°1. Il répète à l'infini le même récit ! Délire de la narration, dira<br />

Khatibi.<br />

Venons-en, maintenant, à la couverture thématique et symbolique de ce récit,<br />

à travers les thèmes du désir, de la violence, de la séparation et de la négation.<br />

a) Quête du désir.<br />

De manière générale, dans le <strong>Conte</strong> Merveilleux Marocain 1 , la quête du héros<br />

prend la forme du plus grand désir pour la plus grande récompense : le mariage avec<br />

le Roi ou la Princesse. <strong>Le</strong>s récits de cette catégorie baignent dans un univers<br />

surféminisé, scène privilégiée de l'angoisse existentielle (« Que ne suis-je un<br />

homme ? »), de la frustration sexuelle (captivité, enterrement prématuré, menace de<br />

destruction ou de mutilation) et de la névrose collective (culte obsessionnel de la<br />

virginité, de la fécondité, du mariage endogame). C'est pourquoi la quête héroïque se<br />

donne-t-elle à lire comme une certaine prise en charge de cette hantise et de sa<br />

solution. <strong>Le</strong>s actes de la dévoration (par l'ogre) et du sacrifice (égorgement), comme<br />

dans notre conte, s'inscrivent dans cette dimension initiatique de la quête-désir.<br />

L'initiation, écrit Durand (1969 : 351), comprend presque toujours une épreuve<br />

mutilante ou sacrificielle qui symbolise au deuxième degré une passion divine.<br />

b) Violence du dire<br />

Il est à noter, en premier lieu, que l'univers mythologique se construit par le<br />

biais d'une oralité qui l'in-forme et le légitime. Intonation, timbre de la voix,<br />

musicalité de la prose, chant, gestuelle, mime, silences tendent, de manière<br />

conjuguée, à recréer cet univers. <strong>Le</strong>s mécanismes de débrayage de la fiction (non<br />

je/tu, non ici, non maintenant) non seulement gèrent le « capital imaginaire » de toute<br />

société mais le fructifient et le dynamisent dans des aventures exemplaires. C'est ce<br />

qu'on appelle la dramatisation du narré.<br />

Et la violence donc ? Que traduit-elle en fait ? Comment peut-on<br />

l'approcher ?<br />

Il est peut-être aléatoire de pouvoir théoriser cette violence qui est inhérente<br />

au faire mythologique, voire la cerner avec succès. On peut en prévoir l'esquisse<br />

dans une sorte de stratégie de l'irréel. Néanmoins, on peut avancer quelques éléments<br />

d'approche :<br />

- l'univers mythologique avec ses lois propres et ses mécanismes<br />

d'autorégulation et d'intervention constitue une sorte de violence « souhaitée » contre<br />

l'ordre antérieur qu'il tend représenter. En effet, commente Cl. Lévi-Strauss (1973 :<br />

209), « les spéculations mythiques [inhérentes aux modes de vie des groupes de la<br />

communauté] (...) cherchent, en dernière analyse, non à peindre le réel, mais à<br />

1 <strong>Le</strong> <strong>Conte</strong> Merveilleux Marocain tel qu'il se dégage des corpus de E.M. CHADLI<br />

(1980) ; E.LAOUST (1949) ; R. BASSET (1887) ; G.-S. COLIN (1939) et Dr.LEGEY (1926).<br />

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