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CONTE ET NOUVELLE<br />
d'embrayage (ou débrayage) de second degré. De second degré, lorsque la procédure<br />
d'enchâssement n'affecte que deux textes. Quand elle se répète, les opérations se<br />
situent aux 3ème, 4ème, Nème degrés. Quoi qu'il en soit, il s'agit toujours<br />
d'opérations internes, en opposition avec l'embrayage et le débrayage externes, qui<br />
font directement intervenir l'instance d'énonciation, et non son simulacre discursif.<br />
Mais au fait, en quoi consistent-elles, ces opérations d'embrayage/débrayage<br />
internes ? Fort simplement en ceci :<br />
- <strong>Le</strong> débrayage interne consiste à installer un discours (le discours enchâssé)<br />
au sein d'un autre discours en disjoignant les instances d'énonciation des deux<br />
discours ;<br />
- inversement, l'embrayage interne consiste à conjoindre les instances<br />
énonciatives des deux discours.<br />
Conjonction et disjonction peuvent prendre des formes variées, selon qu'elles<br />
affectent les aspects actantiel, temporel ou spatial de la procédure d'énonciation.<br />
Maintenant, quelles sont les conséquences sémantiques de ces opérations ?<br />
On se doute qu'elles sont opposées :<br />
- l'embrayage déréférentialise l'énoncé enchâssé, supprime la possibilité<br />
d'accès à l'illusion référentielle. Il donne aux événements racontés une valeur<br />
symbolique, au sens que l'Ecole de Paris donne à ce terme.<br />
- inversement, le débrayage référentialise l'énoncé, selon des procédures très<br />
clairement décrites dans l'article débrayage du Dictionnaire.<br />
On commence sans doute à entrevoir mon hypothèse. Oui, ce n'est qu'une<br />
hypothèse. Elle consiste à poser que le conte privilégie les opérations,<br />
déférentialisantes, d'embrayage à l'inverse de la nouvelle, qui privilégie les<br />
opérations de débrayage référentialisantes 1 .<br />
Naturellement, pour vérifier cette hypothèse, il faudrait la tester sur un vaste<br />
corpus de textes dont le statut de conte ou de nouvelle soit préalablement garanti par<br />
une étiquette sans équivoque. Il est hors de question d'aborder ici ce travail de<br />
bénédictin. Je me contenterai, toujours à propos des <strong>Conte</strong>s de la bécasse, de ce qui<br />
risque peut-être de passer pour une simple impression de lecture. Et pourtant non, je<br />
ne crois pas : c'est bien l'embrayage qui gouverne la relation entre le discours<br />
enchâssant - le récit du déjeuner de têtes de bécasses - et le discours enchâssé :<br />
l'ensemble des dix-sept contes du recueil. Vous n'êtes pas convaincus ? Allez donc<br />
les relire !<br />
Une conclusion à ce trop long effort de débroussaillage ? Elle ne peut être<br />
que très modeste, et introduire les nécessaires relativisations qui d'ailleurs ont déjà<br />
été entrevues :<br />
- du point de vue historique, la typologie est évolutive. <strong>Le</strong>s critères que je<br />
viens d'énumérer n'ont d'éventuelle pertinence qu'à l'égard de la modernité (en gros<br />
depuis la seconde moitié du 19° siècle) ;<br />
1 On ne vise ici que les relations entre le discours enchâssant de premier niveau - celui qui énonce<br />
l'instance de l'énonciation - et le premier discours enchâssé. Au sein de celui-ci peuvent se reproduire des<br />
phénomènes d'enchâssement, qui se répartiront nécessairement entre l'embrayage et le débrayage. D'où<br />
des effets - complexes ! - de « référentialisation seconde du déréférentialisé » ou de « déférentialisation<br />
du référentialisé » (! ! !).<br />
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