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Le Conte

Tout sur les contes

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LE CONTE<br />

ordre social et destructeur d'un paradis naturel, ange et diable dont l'action instaure<br />

l'humanité dans son mode d'existence historique et rompt les liens avec un état<br />

préalable, paradisiaque, chaotique et unitaire.<br />

Tous les paradis mythiques engendrent chez l'homme une double attitude ; la<br />

première est empreinte d'aspirations, de quête, de souvenirs, de fascination et<br />

d'espoir d'un retour à l'Un : la deuxième, contradictoirement est teintée d'horreur, de<br />

crainte d'une perte de l'individualité, peur de la confusion, de l'indifférentiation, de<br />

l'ignorante béatitude, d'amolissante permissivité. La chute est nécessaire pour que<br />

l'homme trouve sa véritable identité, c'est ce qui motive en sémiotique l'épreuve. On<br />

pourrait facilement voir dans les contes du monstre dévorant, les motifs et les figures<br />

du mythe adamique.<br />

En termes plus métapsychologiques, deux scénarios s'entrelacent : d'une part<br />

une conduite incestueuse est instaurée, d'autre part une conduite de compensation.<br />

Privés de parents, orphelins (désir et culpabilité mêlés dans l'inconscient enfantin), le<br />

frère et la sœur sont chassés par les adultes (méchanceté gratuite ou punition<br />

infligée). La fuite loin du village et le refuge dans une caverne constituent le<br />

cheminement normal du roman des origines 1 pour des enfants qui fuient la toutepuissance<br />

des adultes. La découverte d'un refuge de type maternel est aussi le<br />

recours habituel d'un enfant malheureux, grottes, jardins, greniers, placards, maison<br />

dans les arbres sont les retraites secrètes de tous les enfants.<br />

Ceux-ci et plus particulièrement l'enfant mâle font la preuve (épreuve<br />

qualifiante) qu'ils peuvent se passer du monde des adultes et peuvent recréer à eux<br />

seuls un modèle de cellule familiale. <strong>Le</strong> monstre dévorant, à la fois bête fauve, esprit<br />

et ogre représente tout ce que l'enfant peut craindre dans ses phantasmes mais il est<br />

aussi, comme on le découvre plus tard, la condensation de la menace adulte, le<br />

symbole de la famille castratrice. Ce monstre est celui qui, introduit dans le vert<br />

paradis des amours enfantines, mettra fin à l'enchantement de la relation gémellaire<br />

et unificatrice. Lorsque le frère ne croira pas sa sœur qui lui raconte la venue du<br />

monstre, cette relation prendra fin.<br />

L'épreuve principale, après cette période d'initiation est constituée par l'acte<br />

de trancher (cuisse tranchée, doigt tranché) qui évoque des actes rituels qui fondent,<br />

encore aujourd'hui, l'accession au statut d'adulte, d'un garçon ou d'une fille. <strong>Le</strong><br />

régime diurne des images 2 succède au régime nocturne : aux images, aux figures<br />

mystiques de l'alimentation et à celles synthétiques de l'union incestueuse rythmées<br />

par les paroles incantatoires pour l'ouverture du rocher font place aux images<br />

schizomorphes de l'ascension héroïque et de l'usage des armes tranchantes, du retour<br />

à la lumière loin des miasmes de la grotte maternelle ou du ventre animal.<br />

Baba devient un héros, sa sœur une épouse ce qui constitue la fin du scénario<br />

de compensation, la fin de l'initiation, l'épreuve glorifiante et la sanction du<br />

programme narratif. Quel que soit l'éclairage ou le vocabulaire choisi, la parfaite<br />

cohérence du conte est éclatante.<br />

1 Marthe ROBERT, Roman des origines et origines du roman, Gallimard,1972.<br />

2 G. DURAND, op. cit.<br />

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