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LE CONTE<br />
1 - Première hypothèse. Candide en tant qu'organisation narrative est un<br />
conte.<br />
« Voltaire n'attache d'importance qu'au contenu philosophique de ses<br />
ouvrages ; quant à l'enveloppe féérique, c'est une simple concession à un<br />
genre qu'il s'obstine à mépriser, lui préférant la "tenue" de la tragédie classique<br />
: aussi emprunte-t-il quelques procédés romanesques, quelques motifs<br />
caractéristiques des contes et s'en moque-t-il dans le même temps_ » 1 .<br />
En fait, ces emprunts sont plus profonds que semble le dire le critique et se<br />
manifestent à trois niveaux :<br />
a) Des marques textuelles de surface<br />
Ex. le titre « Candide ou l'optimisme ».<br />
Tout titre est une affiche : parmi d'autres fonctions, il a pour tâche d'assurer<br />
un premier classement de l'oeuvre dans un genre particulier, et, de ce fait, de la faire<br />
fonctionner ou disfonctionner par rapport à un code narratif précis. De plus, le titre<br />
tend à évoquer le contenu de l'oeuvre : il annonce généralement le programme<br />
fictionnel du texte qu'il précède. En tant qu'indicateur de genre, le titre de Candide<br />
est conforme à la tradition du conte.<br />
Nommant le héros (Candide), présentant une isotopie dominante (ou<br />
l'optimisme), il entre dans la série où Cendrillon ou la pantoufle de verre voisine<br />
avec <strong>Le</strong> maître chat ou le chat botté.<br />
Ex. L'incipit « Il y avait en Westphalie dans le château_ ».<br />
On reconnaît à la tête du récit la formule qui sert d'indice au conte<br />
merveilleux 2 . Marquée par une locution temporelle figée (rôle de l'imparfait) et par<br />
une tournure impersonnelle, la formule introduit à un certain type de vraisemblable,<br />
tant au niveau de la figuration thématique qu'à celui de la logique des actions<br />
(thématique du château, du père, de la belle princesse, du héros amoureux non<br />
révélé_).<br />
b) Des configurations thématiques spécifiques.<br />
Ex. : les personnages.<br />
C'est là un procédé caractéristique du conte merveilleux (cf. Blancheneige,<br />
Cendrillon_) les personnages de Candide sont avant tout des noms-enseignes. <strong>Le</strong><br />
portrait de Candide, par exemple, est fait de sèmes épars (« jeunesse »,<br />
« gentillesse », « naïveté », « pureté », « droiture », « simplicité ») qui sont pris en<br />
charge, métalinguis- tiquement, par le nom propre qui les rassemble. Entre le nom<br />
propre dont la fonction est de référer à la personne qui le porte et le personnage<br />
s'installe un rapport de transparence : le référent ressemble au signe qui le désigne.<br />
Faiblement indicié par rapport aux normes du roman réaliste 3 (pas de trait physique<br />
1 Françoise BARGUILLET, <strong>Le</strong> roman du XVIII° siècle, P.U.F., 1981, p. 69.<br />
2 « <strong>Le</strong> conte merveilleux est par excellence le domaine du monde raconté. Plus que tout autre récit, il<br />
nous arrache à la vie quotidienne et nous en éloigne. Tout y est différent. Aussi la frontière y est-elle<br />
marquée plus nettement qu'ailleurs entre le monde raconté et le monde où nous vivons.<br />
Traditionnellement, une formule codifiée nous introduit dans le conte et nous en fait sortir ». Harold<br />
Weinrich, <strong>Le</strong> Temps, Seuil, 1973, p. 46.<br />
3 « En tout cas, il n'y a pas une seule phrase descriptive dans tous les contes de Perrault. A quoi bon<br />
représenter, rendre présents les êtres du merveilleux ? Ils ne sont que des rôles et des instruments dans un<br />
scénario où la situation tient la vedette ; les recherches de Propp sur le conte folklorique, abondent dans<br />
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