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Le Conte

Tout sur les contes

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CONTE ET HERMÉNEUTIQUE<br />

revient à nous, pauvres lecteurs errant dans un monde où le sens ne dépasse plus le<br />

stade de la mosaïque, de décrypter la parabole.<br />

Car c'est bien de cela qu'il s'agit : dans le cas du conte de Garcia Marquez qui<br />

nous a suggéré ces réflexions, nous avons vu qu'une certaine frustration de lecture<br />

était introduite par cette absence de fin. Si grâce aux indices trouvés dans le conte<br />

(par toutes les approches que l'on voudra) nous pouvons attribuer un sens, quelque<br />

part, à cette absence, alors, nous sublimerons notre frustration dans un travail<br />

herméneutique qui rétablira un sens « plein » là où s'était glissé un vide.<br />

Cette non-fin, dans le conte en question, nous pouvons l'expliquer par une<br />

intention : celle de renvoyer à une situation socio-historique où le cycle infernal de la<br />

violence est précisément sans fin, et couve depuis des temps immémoriaux. Cette<br />

interprétation est une interprétation, susceptible d'être remplacée ou complétée par<br />

d'autres qui seraient autant de réinscriptions dans des univers sémiotiques différents.<br />

A chaque fois, le même phénomène se reproduirait : la lecture parabolique<br />

substituerait à l'issue narrative déceptive une issue cognitive euphorique.<br />

Au plaisir du conte dans lequel on reconnaît et satisfait des pulsions<br />

fondamentales se substitue celui de la lecture où l'on découvre des procédés<br />

d'écriture et de représentation du réel. Cette dernière forme de plaisir est l'apanage<br />

des sociétés évoluées où le sur-moi prend une place de plus en plus forte, au<br />

détriment des autres strates psychiques de l'individu 1 .<br />

A la ritualisation du conte folklorique reçu parce qu'assis sur des<br />

schématisations connues et acceptées de tous, s'est substituée une herméneutique<br />

indispensable qui rétablit un contrat de lecture selon des contraintes stratégiques en<br />

prise sur les savoirs du moment. Paradoxalement, ce glissement lui a fait retrouver sa<br />

fonctionnalité en tant que tentative de fixation du sens dans un monde où les<br />

schématisations reçues se révèlent inopérantes. <strong>Le</strong> conte est redevenu ce qu'il était à<br />

l'origine : un récit condensé voisin du mythe, par lequel une communauté s'explique<br />

le réel.<br />

Dans ce nouveau cadre, notre appropriation du conte est ambivalente. Jouant<br />

sur nos attentes psychiques profondes, il nous invite à le lire d'un trait (à le dévorer =<br />

appropriation primaire) ; jouant sur nos préconstruits culturels, il nous invite à le<br />

méditer (= appropriation médiate).<br />

Au niveau de l'étude littéraire, c'est là que sémiotique et herméneutique se<br />

rejoignent et se conjoignent.<br />

1 Cf. Marcuse, H. : Eros et civilisation, Paris, Seuil, col. Points, 1974, p. 32-60. (Chapitre : « L'origine<br />

de la répression chez l'individu ».)<br />

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