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LE CONTE<br />
anciens, les <strong>Conte</strong>s arabes, qui tiennent tous du merveilleux, et l'inimitable<br />
Arioste, plus admirable encore par le style que par l'invention, tous les autres<br />
romans ne présentent que des aventures bien moins héroïques, moins<br />
singulières, moins tragiques que celles dont nos histoires sont remplies. Il n'y<br />
a rien de si attachant dans les Cassandre, les Cléopâtres, les Cyrus, les Clélie,<br />
que les événements de nos derniers siècles » 1 .<br />
« _Je ne crois pas parce que le frivole est bien reçu que la nation n'aime que le<br />
frivole. <strong>Le</strong>s livres sensez et instructifs ont un sucez plus durable, ils passent à<br />
la postérité et les petits romans sont bientôt oubliez_ et on ne lira pas plus les<br />
Confessions du comte de (de C. P. Duclos) que les honnêtes gens ne lisent<br />
celles de St Augustin » (janvier 1742).<br />
« Au reste, on est bien éloigné du vouloir donner ici quelque prix à tous ces<br />
romans dont la France a été et est encore inondée ; ils ont presque tous été,<br />
excepté Zaïde, des productions d'esprits faibles qui écrivent avec facilité des<br />
choses indignes d'être lues par les esprits solides ; ils sont même pour la<br />
plupart, dénués d'imagination, et il y en a plus dans quatre pages de l'Arioste<br />
que dans tous ces insipides écrits qui gâtent le goût des jeunes gens ».<br />
Il est alors compréhensible que Voltaire ait élargi sa satire philosophicoidéologique<br />
et sociale aux formes romanesques.<br />
On sait aussi que Voltaire a évolué dans ses représentations de la valeur du<br />
romanesque et qu'il appréciait un auteur comme Hamilton dont les procédés<br />
d'écriture sont très proches de ceux utilisés par Voltaire dans ses contes :<br />
Déjà en 1705, Hamilton proposa, dans <strong>Le</strong> Bélier, le type de narrateur autoréflexif<br />
qui apparut aussi dans les romans de Marivaux_ Cette façon d'écrire<br />
s'est maintenue jusque dans ses derniers contes sous la forme de commentaires<br />
humoristiques de l'action et de critiques des exploits attribués aux<br />
personnages. Il y a aussi des passages qui parodient certains procédés<br />
littéraires_ On doit à Hamilton, en tant qu'écrivain trois procédés majeurs qui<br />
seront particulièremnt utilisés dans le futur conte philosophique : il rend le<br />
lecteur attentif à la présence du narrateur en utilisant épisodiquement le<br />
« je » ; il commente ironiquement les personnages et les actions de l'histoire,<br />
sa critique et sa parodie s'étend à des sujets dépassant le simple fait de<br />
raconter. Voltaire lui-même a remarqué et apprécié les formes d'humour<br />
employées par Hamilton dans ses contes. Dans le catalogue des écrivains<br />
français qui suit <strong>Le</strong> siècle de Louis XIV, Hamilton est présenté comme « le<br />
premier qui ait fait des romans dans un goût plaisant, qui n'est pas le<br />
burlesque de Scarron » 2 .<br />
On sait enfin que Voltaire s'est interrogé sur la force persuasive du<br />
romanesque, bien plus puissant, pour la diffusion des idées, que les traités<br />
philosophiques. Aussi le même homme qui écrivait :<br />
« _je vous réponds que si j'ai fait des romans, j'en demande pardon à dieu ;<br />
mais tout au moins je n'y ai jamais mis mon nom, pas plus qu'à mes autres<br />
sottises » (1764).<br />
recommandait à son ami Marmontel :<br />
1 Extrait de la Gazette littéraire (1764), cité par david WILLIAMS, « Voltaire on the sentimental<br />
novel », Studies on Voltaire, volume CXXV, 1975, p. 121.<br />
2 Vivienne MYLNE, opus cité, p. 1067. Voir aussi « Voltaire’s thoughts on prose fiction » par Ahmad<br />
GUNNY, Studies on Voltaire, CXL, 1975.<br />
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