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Le Conte

Tout sur les contes

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LE CONTE<br />

l'opposition figuratif/thématique. Il en vient même, en 1983 1 , à réintroduire une<br />

« hiérarchie entre niveau thématique et niveau figuratif ».<br />

Problème complexe. Peut-être l'attitude de Courtés s'explique-t-elle par les<br />

spécificités du type de discours qu'il examine préférentiellement : le conte populaire,<br />

à propos duquel il est sans doute possible d'admettre que le figuratif est toujours « au<br />

service » du thématique. Mais en va-t-il de même pour tout type de discours ? N'y a-<br />

t-il pas, dans certains types de discours figuratif - la nouvelle, par exemple, et, à un<br />

degré sans doute plus élevé encore, le roman - un certain développement autonome<br />

du figuratif, une prolifération du figuratif, de façon plus ou moins autonome par<br />

rapport au thématique ? Je ne fais que poser la question. Non toutefois sans<br />

remarquer que l'opposition tendance à la conformité / tendance à la non-conformité<br />

se double d'une opposition non-déceptivité (pour le conte) / déceptivité (pour la<br />

nouvelle). J'entends ici la notion de déceptivité de la façon suivante : c'est l'effet de<br />

sens de l'absence de hiérarchisation entre le niveau figuratif et le niveau thématique.<br />

Ce qui est déceptif en somme - et il va de soi que ce terme n'a rien de péjoratif - c'est<br />

le figuratif autonome, le figuratif baladeur, sans lien identifiable avec le thématique.<br />

On attend sans doute des exemples. Il n'est pas commode d'en donner, pour<br />

une raison qui apparaît à l'évidence. C'est que, tant pour la conformité que pour la<br />

déceptivité, il convient, comme je l'ai fait, de parler de tendance. Il n'y a pas<br />

d'opposition tranchée entre deux types de discours, l'un relevant du conte, l'autre de<br />

la nouvelle, mais un passage graduel de l'un à l'autre, selon que sont accentuées la<br />

conformité - qui va de pair avec la non-déceptivité - et la non-conformité - qui va de<br />

pair avec la déceptivité. C'est peut-être la gradualité de ce passage qui rend compte -<br />

avec d'autres facteurs, sans doute - d'un phénomène déjà signalé : l'hésitation<br />

fréquente qu'on observe devant les qualifications de certains textes. Dans les <strong>Conte</strong>s<br />

et nouvelles de Maupassant, est-il vraiment possible de faire un partage rigoureux<br />

entre les contes et les nouvelles quand les textes ne sont pas explicitement étiquetés<br />

par l'un des deux mots ? Maupassant, pour sa part, utilisait comme terme générique<br />

le mot historiette. Et il existe des textes qui sont, par leur auteur même,<br />

alternativement qualifiés de conte et de nouvelle : ainsi pour la Vénus d'Ille, que<br />

Mérimée, dans sa Correspondance, désigne tantôt comme conte, tantôt comme<br />

nouvelle. Est-ce dire que les deux notions se confondent ? Point du tout ; ce sont tout<br />

bonnement deux aspects du même texte qui sont alternativement désignés par les<br />

deux noms : les aspects de conformité par l'étiquette conte, ceux de non-conformité<br />

par l'étiquette nouvelle.<br />

On voit à quel point il est difficile de trouver des exemples réels. Pourquoi ne<br />

pas en forger un, en partant de la bécasse de Maupassant ? Elle est, on vient de le<br />

voir, figure, dans les deux contes examinés, d'un syncrétisme de la mort et de la<br />

folie. Et, si j'ai bien lu, figure de ce seul élément thématique : c'est ce qui assure la<br />

conformité des deux plans, et, du coup, la qualité de contes des textes affectés.<br />

Supposons maintenant un texte - après tout, peut-être y en a-t-il un ! - où la bécasse<br />

serait alternativement figure de la mort/folie et figure de n'importe quoi d'autre, par<br />

exemple de l'amour et/ou de la bonté. On dira dans ce cas qu'il y a non-conformité<br />

1 « <strong>Le</strong> problème du figuratif et l'impression référentielle », Actes sémiotiques, Bulletin, VI, 26, juin 1983,<br />

p. 14.<br />

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