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Nouveaux défis pour l’éthique sportive<br />
les travaux de Gilles Deleuze et Marcel Conche) pour les distinguer sur<br />
le plan conceptuel. Si bien que la morale commande, par obéissance, ce<br />
que l’on doit faire, ce qui est bien ou mal ; alors que l’éthique recommande<br />
d’adapter nos conduites, avec raison, sur ce qui est bon ou mauvais. La<br />
morale est alors un discours normatif et impératif qui répond à la question<br />
« qu’est-ce que je dois faire ? », et l’éthique est un discours normatif mais<br />
qui prône plutôt des conseils, des « impératifs hypothétiques » (selon Kant),<br />
qui répondent à la question « comment dois-je vivre ? ».<br />
Pour notre cadre d’étude, ces conseils de type éthique, soumis à une<br />
condition, pourraient en suivant de façon analogue la pensée de Comte-<br />
Sponville, prendre la forme suivante : « Si tu veux que tes concurrents<br />
soient loyaux avec toi en ne se dopant pas, soit loyal avec eux en faisant<br />
de même. » Quant à la morale, elle imposerait d’être loyal avec autrui en<br />
commandant de ne pas se doper.<br />
Quand le sportif oscille entre le bon et le mauvais<br />
Dans cette perspective, l’éthique sportive recommanderait de s’interroger<br />
sur les valeurs relatives qu’il faut prôner vis-à-vis du sportif lui-même et<br />
des autres. Autrement dit, comment vivre en harmonie avec soi-même et<br />
les autres dans une situation sportive fondée sur l’égalité des chances au<br />
départ pour accepter in fine l’inégalité à l’arrivée ?<br />
Cruel dilemme que l’éthique sportive ! Car, lorsque l’on se dope, c’est à ses<br />
yeux mais aussi aux yeux des autres (Axel Kahn, janvier 2008, conférence<br />
à l’UFR Staps de Paris-Descartes). Toute activité humaine repose sur l’incorporation<br />
de règles et de normes qui produisent des enjeux individuels et<br />
collectifs. Si le dopage sportif est considéré rationnellement comme un mal<br />
selon la morale, l’éthique nous interroge de façon relativiste sur nos choix<br />
et nos désirs. Or, selon leur parcours de vie et leur vécu de pratiquant<br />
de haut niveau, les sportifs vont osciller entre ce qui est bon ou mauvais,<br />
selon les « bénéfices » escomptés, c’est-à-dire selon la manière dont ils envisagent<br />
de vivre : ils peuvent se doper en optant pour une vie courte mais<br />
glorieuse, comme jadis les gladiateurs, qui mettaient leur vie en danger<br />
en toute connaissance de cause (Kahn, ibid.). Ou bien, ce qui est bon ou<br />
mauvais pour un sportif dépend aussi de l’interdépendance avec l’autre<br />
(principe de réciprocité) dont les choix et le regard sur moi influencent mes<br />
propres désirs. <strong>En</strong> situation d’interaction ludo-sportive, le dopage profite-t-il<br />
au sportif dopé ? Dit autrement, est-ce que le crime paie ? La distinction<br />
du bon et du mauvais se pose alors dans l’issue de l’interaction circulaire<br />
entre les pratiquants et les enjeux d’un tel choix (se doper ou non) fixé par<br />
les institutions sportives.<br />
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