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Ethique et sport en Europe<br />
Le premier écueil est une prise de conscience non dissimulée du fait que,<br />
spécifiquement en matière sportive, le média de masse est ou peut être tout à<br />
la fois, à des degrés divers, organisateur, partenaire total ou partiel de l’événement<br />
et diffuseur ou média qui en rend compte. Dans ce type de relation, le<br />
média de masse a un « intérêt commun » avec l’organisateur de l’événement,<br />
dans une logique de complémentarité : la victoire fait vendre, décuple l’audience,<br />
favorise la vente de journaux. Les médias se trouvent <strong>plus</strong> dans une<br />
logique de valorisation et de promotion (Wille, 2003) aux formes multiples<br />
que dans une stratégie d’information. Il suffit de rappeler que cette confusion<br />
n’est pas nouvelle, dès le début du XX e siècle, ce sont les journalistes qui ont<br />
créé, dirigé le mouvement sportif moderne. Après une période où le journaliste<br />
était admis de droit dans l’enceinte du stade, la logique marchande a conduit<br />
à la naissance des droits d’exclusivité qui réglementent différemment l’accès<br />
au spectacle vivant et modifie la pratique journalistique, remettant en question<br />
les règles d’indépendance du journalisme : quelle est la pratique, quel est le<br />
discours, quelles sont éventuellement les règles admises lorsque le média est<br />
à la fois « juge et partie »? La complicité objective médias-mouvement sportif<br />
renvoie à la légitimité professionnelle qui génère bien souvent un sentiment<br />
d’appartenance à la « famille du sport ». Cet intérêt objectif de la réussite<br />
des champions, la dynamique de la victoire, la politique « the show must go<br />
on » écartent les images ou les réalités qui font mal ou qui feraient désordre.<br />
Assistons-nous à une « omerta » spécifique au milieu ? Cette connivence nécessaire<br />
pour accéder à l’information nous interpelle sur le statut de cette information.<br />
Faut-il également obligatoirement avoir un discours de complaisance<br />
pour accéder aux informations ? Il s’agit dans ce cas d’une remise en cause<br />
de l’attitude du monde sportif qui régule l’accès aux informations, pour des<br />
raisons de droits, mais également pour des raisons de convenance personnelle<br />
: il n’est pas rare qu’un sportif boycotte un journaliste ou un média à<br />
la suite d’un papier ou d’un reportage. D’une manière générale, cela pose<br />
également la question des droits d’accès des journalistes non détenteurs de<br />
ces droits aux manifestations sportives, aux sources directes, aux athlètes, ces<br />
dérives sont de la responsabilité du champ sportif. L’Europe peut-elle imposer<br />
de nouveaux modes de régulation ?<br />
Une pratique professionnelle sous influence<br />
Dans un univers médiatique très fécond et hétérogène en matière sportive,<br />
les pratiques journalistiques sont au cœur de <strong>plus</strong>ieurs influences définissant<br />
le degré d’autonomie des journalistes. Dominique Marchetti (2002) évoquait<br />
la notion de sous-champs journalistiques, posant d’une manière générale<br />
les conditions d’exercice de la profession de journaliste qui apparaît être<br />
comme une profession sous contraintes. Ces contraintes proviennent en<br />
premier lieu des positions respectives de chacun des médias dans ces sousunivers<br />
spécialisés. Si un quotidien comme Le Monde occupe une position<br />
dominante dans des domaines tels que la politique, il n’en va pas de même<br />
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