En savoir plus...

De l’éthique dans le sport : contexte historique et philosophique
Il essaie de convaincre les Athéniens de lui confier le commandement de
l’expédition de 60 navires qui va être envoyée en Sicile, puisque, selon
Thucydide (Histoire de la guerre du Péloponnèse, VI, 15,2), « il avait l’espoir
de conquérir sous son commandement la Sicile et Carthage, et, en cas de
réussite, de pouvoir satisfaire en même temps ses intérêts privés, tant sous
l’aspect économique qu’en celui qui concernait sa réputation ».
Ses ambitions personnelles le motivaient plus que l’intérêt pour sa patrie. Le
discours qu’il prononce pour convaincre ses concitoyens d’accéder à ses
désirs nous intéresse tout particulièrement étant donné qu’il utilise comme
premier argument son triomphe spectaculaire à Olympie 56 , qui est présenté
comme un bénéfice pour sa patrie, car, affirme-t-il, cette victoire a démontré
à ses ennemis qu’Athènes n’était pas effondrée à cause de la guerre, et elle
leur fit même croire que la force de la ville était supérieure à ce qu’elle était
en réalité. Il dit:
« J’ai plus le droit que d’autres Athéniens, d’avoir le commandement et je
considère en plus que j’en suis digne. Les actions pour lesquelles on me
critique donnent une réputation à mes ancêtres et à moi-même, et rendent
aussi service à la patrie. Les Grecs, en effet, se sont fait de notre ville une
idée supérieure aux forces qu’elle possède réellement grâce à la magnificence
de la délégation que j’ai envoyée à Olympie, quand avant ils avaient
l’espoir qu’elle serait épuisée par la guerre ; car j’ai envoyé sept chars,
nombre qu’aucun particulier n’avait jamais inscrit avant, et j’ai obtenu la
victoire, la deuxième et la quatrième place ; et tout le reste je l’ai disposé de
manière adéquate au mérite de ma victoire. D’après la coutume, des choses
comme celles-là représentent un honneur, et on en déduit en même temps
une impression de pouvoir » (ibid., VI, 16, 12).
Alcibiade affirme que l’exploitation des succès sportifs à des fins politiques
et de propagande était « en accord avec les mœurs » et il semble que,
dans son cas, ses succès ont contribué de façon notable à la réalisation
de ses ambitions politiques et militaires. « Les ennemis ne furent pas les
seuls trompés par Alcibiade, mais (…) les Athéniens eux-mêmes se laissèrent
aussi séduire, et la popularité qu’Alcibiade obtint à Athènes avec les sept
quadriges qu’il présenta aux jeux Olympiques, la première, la seconde et la
quatrième place qu’il y obtint et le luxe démesuré (plus digne d’un satrape
oriental que d’un citoyen d’Athènes) avec lequel à Olympie Alcibiade
célébra son succès 57 contribuèrent à ce que cet homme sans scrupules n’en
fasse qu’à sa tête et que l’Assemblée d’Athènes confirme l’envoi de l’expédition
en Sicile dont le désastre accéléra la ruine de la ville d’Athènes »
56. Voir Finley M. I. et Pleket H. W., The Olympic Games. The first thousand years, Chatto &
Windus, Londres, 1976, p.104 et suivantes.
57. Ainsi le reconnaît Alcibiade lui-même, dans Thucydide : « Et tout le reste je l´ai disposé de
manière adéquate au mérite de ma victoire. »
45