24.06.2013 Views

En savoir plus...

En savoir plus...

En savoir plus...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Ethique et sport en Europe<br />

un rejet de la compétition aux niveaux scolaire, familial, etc. La mère de<br />

Christophe affirme à cet égard :<br />

« Et je crois que ça ce n’est pas du tout son tempérament : il a horreur<br />

d’être mis en compétition. Il se bloque. Mais même au niveau des résultats<br />

scolaires : si je lui dis : “Ton frère a eu tant”, il dit : “Je m’en fiche des autres”,<br />

Il ne veut pas. Il ne veut pas qu’on le mette en compétition. »<br />

Le refus de la comparaison sociale s’accompagne de la formation de deux<br />

nouvelles dispositions. Nous nommerons la première « disposition égalitariste<br />

», elle définit une manière de penser selon laquelle les individus ne<br />

présentent pas la moindre différence de droits et de valeur (tout en ôtant<br />

la connotation péjorative que l’emploi moderne du terme sous-tend). La<br />

deuxième disposition est l’« individualisme ». Bien que galvaudé à force<br />

d’être utilisé et défini différemment selon les disciplines et les auteurs au sein<br />

de chaque discipline, nous utilisons ce concept pour décrire une propension<br />

particulière. Elle caractérise une manière d’agir autonome, à travers laquelle<br />

nos enquêtés revendiquent la valeur propre de chaque individu, irréductible<br />

à toute comparaison sociale. <strong>En</strong> prenant sa source dans une succession de<br />

situations sociales douloureuses, cette disposition semble résulter de ce que<br />

Bourdieu nomme des « habitus clivés, déchirés, portant sous la forme de<br />

tensions et de contradictions la trace des conditions de formations contradictoires<br />

dont ils sont le produit » (Bourdieu, 1997, p. 79).<br />

Ce dégoût et ces dispositions s’étendent à tous les champs : les individus<br />

cherchent à exercer des pratiques culturelles n’impliquant pas de comparaison<br />

sociale, tout en palliant l’absence de sport, donc aussi légitimes et<br />

valorisantes. Le non-sportif suit donc un processus, volontaire ou contraint<br />

par les parents, de construction d’une identité cohérente par rapport aux<br />

dispositions non sportives : le stigmatisé se coupe du monde « performatif »<br />

de la pratique sportive pour s’interpréter différemment (Goffman, 1963,<br />

p. 20). Ce processus de reconfiguration dispositionnelle est concomitant à<br />

celui d’exclusion subie puis consentie vis-à-vis des groupes de pairs sportifs.<br />

Il se traduit par une nouvelle forme de socialisation caractérisée par le<br />

changement de groupes de pairs ou tout au moins l’abandon du groupe<br />

porteur du discrédit, ainsi que l’adhésion à un autre domaine culturellement<br />

légitime ou tout au moins valorisant. Chaque collégien enquêté (à part<br />

Amandine bien sûr) conçoit ses pratiques culturelles comme compensatoires<br />

à l’absence de sport. Ainsi, musique, théâtre ou dessin sont pratiqués et<br />

présentés comme des pratiques artistiques, perçues comme intellectuelles<br />

et imaginatives, en opposition aux aspects physiques et réglés du sport.<br />

Cette incorporation illustre le pouvoir qu’ont les dispositions du non-sportif<br />

à assurer « cette sorte de soumission à l’ordre qui incline de faire nécessité<br />

vertu » (Bourdieu, 1980b, p. 90) ; les non-sportifs finissent par revendiquer<br />

leur non-pratique sportive d’abord subie. Dans ce cadre, Christophe affirme<br />

à propos du théâtre :<br />

54

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!