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Philosophie, éthique et sport<br />

Pierre-Henry Frangne 38<br />

« Ce n’est qu’au crépuscule que la chouette de Minerve prend son envol »,<br />

disait Hegel : une fois que la réalité du jour s’est déployée et qu’il reste<br />

seulement à l’étudier. Mais, selon Hegel, dont nous partageons le jugement,<br />

il n’y a là aucune supériorité de la philosophie sur les autres discours ; il n’y<br />

a au contraire que l’expression d’une sincère modestie qui consiste à se<br />

soumettre à ce qui a eu lieu et à ce qui a été dit pour les ressaisir et les maintenir<br />

dans leur aspect étonnant ou problématique. Je procéderai en trois<br />

étapes : la première visant à expliciter le nouage des trois termes constitutifs<br />

de mon titre ; la deuxième visant à déployer une conception critique du sport<br />

(au sens où critique signifie à la fois distance critique, crise et recherche de<br />

critères) ; la troisième étape conclusive cherchant les conditions de possibilité<br />

d’une fonction éthique du sport dans les contradictions qu’il ne résorbe<br />

pas mais qu’au contraire il avive.<br />

Comme vous le savez, la philosophie est cette discipline à la fois critique<br />

et méthodique qui s’étonne de la réalité et des pensées sur cette réalité.<br />

Par étonnement, il faut entendre non pas la surprise face à l’imprévu mais<br />

un émerveillement, une inquiétude et un doute. Ceux-ci ne sont pas occasionnels<br />

mais systématiques et « de principe ». Ils ne sont pas un simple<br />

point départ devant être abandonné par la suite (un simple commencement<br />

chronologique) mais un mouvement devant sans cesse être reconduit ou<br />

longuement enchaîné à lui-même (un commandement logique). Cet émerveillement,<br />

cette inquiétude et ce doute mêlés les uns aux autres sont ainsi<br />

cette triple exigence qui met l’esprit en éveil devant la prise de conscience<br />

d’une difficulté, d’une impasse, d’une aporie contredisant les évidences que<br />

la pensée spontanée (non philosophique et non critique) alimente sous la<br />

forme de préjugés et d’opinions. La difficulté, la contradiction, l’opposition,<br />

la crise, l’effort intellectuel sont donc à la fois ses moyens et ses fins au<br />

point que l’une des métaphores les <strong>plus</strong> usitées par la philosophie pour se<br />

désigner elle-même est celle du chemin, souvent difficile à gravir parce qu’il<br />

monte, parce qu’il ne faut pas s’y perdre, parce qu’il est semé d’obstacles<br />

à surmonter. De Parménide et Platon à Heidegger, de Hobbes et Hegel à<br />

Nietzsche, le philosophe dit souvent : « Etre cul de plomb, voilà par excellence<br />

le péché contre l’esprit ! Seules les pensées que l’on a en marchant<br />

valent quelque chose. » 39 Ou encore, afin de radicaliser jusqu’au paradoxe<br />

cette pensée, Nietzsche écrit : « Nous ne sommes pas de ceux qui n’arrivent<br />

38. Maître de conférences en philosophie à l’Université européenne de Bretagne (Rennes-II).<br />

39. Nietzsche F., Le crépuscule des idoles, maxime 34.<br />

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