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De l’éthique dans le sport : contexte historique et philosophique<br />

son professeur d’éducation physique qui l’a découverte parce qu’on en<br />

avait parlé, d’ailleurs le docteur avait dû mettre une réserve sur le certificat<br />

médical, pour l’inscription au collège, qu’il ne fallait pas insister sur l’aspect<br />

performance, compétition, parce qu’elle n’avait pas une physionomie…<br />

Bon, elle n’avait pas… Elle a toujours été mince, plutôt… plutôt bien dans<br />

sa peau, mais jugée maladroite. Et en fait, jusqu’à la 6 e , ça l’a poursuivie. »<br />

Elle a de ce fait évité toute activité sportive, notamment les sports collectifs :<br />

l’enfant souffrait dans ce cadre de la comparaison avec les autres joueuses<br />

<strong>plus</strong> adroites. Christophe et David tenaient quant à eux leur handicap de<br />

leur morphologie. Respectivement trop gros et trop chétif, les deux enfants<br />

ont été dès leur <strong>plus</strong> jeune âge surpassés, dans leur performance sportive,<br />

par leurs camarades. A chaque fois, la comparaison avec autrui a engendré<br />

une exclusion subie par l’enfant, mais aussi consentie : il s’agissait alors<br />

d’éviter toute nouvelle expérience douloureuse. Cette disqualification sociale<br />

ressentie et intégrée (Paugam, 1991) à travers un passé sportif traumatisant<br />

est donc en partie à l’origine de la non-pratique sportive. La violence contre<br />

soi prend forme dans la validation de cette infériorité et l’acceptation de la<br />

mise à l’écart, pour éviter de revivre les effets néfastes de la comparaison<br />

à autrui. Plummer raconte ainsi le cas d’un individu qui explique ne pas<br />

pratiquer à cause de ce manque de complicité (2006, p. 128). Il fait état<br />

d’un lien entre ce manque de sociabilité des individus (davantage cibles de<br />

remarques homophobes) et leur marginalisation, leur isolement dans le fonctionnement<br />

du groupe. Dans un langage « bourdieusien », c’est par un déficit<br />

en capital social que se caractérisent les non-sportifs de notre échantillon,<br />

structurellement lié au capital sportif puisque c’est dans le manque de performance<br />

par rapport à ses partenaires ou adversaires que s’ancre l’exclusion<br />

subie par ces enfants. Finalement, c’est donc moins dans un rapport au<br />

corps que dans un rapport interpersonnel que se comprend la non-pratique<br />

sportive, comme refus de la comparaison sociale. Cette analyse confirme la<br />

remarque de Chantelat, Fodimbi et Camy lorsqu’ils affirment que l’analyse<br />

sociologique de la pratique sportive est irréductible à un rapport au corps<br />

(1996, p. 239). La violence subie par ces collégiens en échec dans les<br />

situations sportives se mue alors en auto-exclusion des situations sportives.<br />

Néanmoins, la pratique sportive n’est pas perçue comme définitive et le<br />

dégoût sportif ne concerne pas tous les sports ni toutes ses modalités : la<br />

coopération et les sports individuels sont évalués positivement. Les dispositions<br />

égalitaristes et individualistes nouvellement formées sont défavorables<br />

à la compétition et s’étendent à tous les domaines de la vie. Elles entraînent<br />

un réajustement des goûts culturels en rapport avec la reconfiguration dispositionnelle.<br />

La disposition formée par le rejet de la comparaison sociale,<br />

structure structurée, devient structure structurante en étendant ses effets à<br />

tous les domaines de la vie sociale, ainsi que le décrit Bourdieu à propos de<br />

l’habitus (1980b, p. 88). Ces dispositions acquises entraînent, ipso facto,<br />

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