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De l’éthique dans le sport : contexte historique et philosophique<br />
de nature sociale : quand la compétition est perçue comme le but en soi et la<br />
victoire poursuivie pour elle-même, l’objectif devient d’abaisser l’autre pour<br />
mieux s’élever, le vaincu en sortant déconsidéré et le vainqueur célébré,<br />
les deux jugements étant indus lorsqu’ils dépassent le joueur pour définir<br />
l’individu lui-même. Plus prosaïquement, David décrit ce type de critique et<br />
la somatisation que ce dégoût peut entraîner :<br />
« Des fois il y a un petit esprit que je n’aime pas non <strong>plus</strong> dans le sport. Par<br />
exemple il y a des gens qui sont un peu… J’ai été dégoûté en fait par le<br />
sport, parce que quand je voyais les gamins de 10 ans qui finissent de jouer<br />
au sport et qui racontent à leur maman : “Oh j’ai marqué un but !”, ça me<br />
donne à moitié envie de vomir, quoi. Je trouve que les gens qui se vantent<br />
pour le sport, euh… Les gens le font, tant mieux, mais qu’ils n’aillent pas se<br />
vanter… les coupes et tout. Je trouve ça dégoûtant, il y a des gens qui ont<br />
des coupes, et il y a des gens qui restent au fond de la gadoue, quoi. Ça<br />
ne se fait pas, quoi. »<br />
<strong>En</strong>fin, la critique est <strong>plus</strong> classiquement économique, lorsque dans le sport<br />
compétitif (de haut niveau, mais pas seulement) seule la victoire compte. La<br />
logique capitaliste pénètre le sport, où la pratique perd en partie sa caution<br />
morale originelle en étant pénétrée de professionnalisme. Le sociologue<br />
politique du sport, et ancien professeur d’éducation physique et sportive,<br />
Jean-Marie Brohm (1976, p. 147), reprend le paradigme marxiste pour<br />
dénoncer l’homologie entre la structure sportive et la structure de production<br />
capitaliste : la logique capitaliste a intégré la sphère sportive dans sa sphère<br />
de production. Les dirigeants apportent les capitaux, les sportifs doivent en<br />
retour apporter les performances. Les enjeux économiques de la pratique<br />
de haut niveau poussent aux excès, comme la triche ou le dopage, et se<br />
cristallisent dans la compétition. Cette critique ne concerne de ce fait que le<br />
sport fortement médiatisé, de haut niveau (par exemple le football, le rugby,<br />
le cyclisme et l’athlétisme en France). Ces dérives sont évoquées par une<br />
partie des non-pratiquants et par les détracteurs du sport, comme la mère<br />
d’Amandine :<br />
« Oui, si on pouvait faire en sorte que les gens deviennent moins stupides<br />
dans le sport, moi ça m’arrangerait. Un peu moins de marketing de vente,<br />
un peu moins… Parler un peu moins d’argent mais parler beaucoup <strong>plus</strong> de<br />
sport. Mais de vrai sport. Dans ses vraies valeurs. »<br />
Nous percevons ici la complexité de l’appréhension de la non-pratique<br />
sportive. D’une part, ce phénomène ne traduit pas en réalité un rejet absolu<br />
du sport, mais seulement un dégoût d’une partie de sa nature : la compétition,<br />
et d’une partie de ses effets : l’exclusion des <strong>plus</strong> faibles, la valorisation<br />
excessive des meilleurs. Ce n’est donc que lorsque le sport est associé à<br />
ces caractéristiques qu’il fait en retour l’objet d’un rejet. Contradictoirement,<br />
une vision enchantée de la pratique émerge de cette complexité chez les<br />
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