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Ethique et sport en Europe<br />

à penser qu’au milieu des livres, sous l’impulsion de livres – nous avons pour<br />

habitude de penser au grand air, en marchant, en sautant, en escaladant,<br />

en dansant, de préférence sur des montagnes solitaires ou tout au bord de la<br />

mer, là où même les chemins deviennent pensifs. » 40 Ce sens de la contradiction,<br />

de la « corporéité de la pensée », de l’équilibre mouvant et de l’effort<br />

pénible, qui consiste non à surmonter définitivement la contradiction, mais à<br />

la soutenir, ce sens sportif en un sens, qui faisait que Socrate fut gymnaste,<br />

Platon lutteur, Descartes bretteur, Nietzsche randonneur et Michel Serres<br />

alpiniste, est celui de la philosophie.<br />

Il est aussi celui de l’éthique. Car l’éthique n’est pas la morale. La morale<br />

est un système de valeurs qui règlent nos actions et qui donnent à chaque<br />

individu des critères lui permettant de distinguer ce qui est défendu et ce<br />

qui est permis, de séparer ce que l’on peut faire de ce qu’il est souhaitable<br />

de faire. Ces critères se trouvent incarnés dans l’obligation qui est<br />

le sentiment interne de ce que nous devons faire en mettant à distance ce<br />

que nous faisons ou ce que nous avons le pouvoir de faire effectivement.<br />

Les philosophes ont depuis toujours tenté de trouver le fondement de la<br />

morale, le fondement de la rectitude de l’action dans l’universalité du bien,<br />

du bonheur ou dans celle du devoir. Seulement, si la morale se pense dans<br />

l’élément de l’universalité, l’action humaine quant à elle se déploie dans la<br />

région du particulier, de l’aléatoire, du changement imprévu, de la contingence<br />

et de l’historicité des situations. L’action ouvre alors le champ entier<br />

de l’éthique au sein duquel le principe régulateur de l’action ou le critère de<br />

distinction du bien et du mal se confronte à une réalité complexe, obscure,<br />

singulière, mouvante, voire contradictoire. L’éthique ne s’entend donc pas<br />

en dehors des différents domaines des actions humaines comme le travail,<br />

le soin médical, la recherche scientifique, le rapport à la nature. De même<br />

que l’on parle d’éthique biomédicale, on parlera d’éthique sportive, c’est-àdire<br />

d’une réflexion sur des pratiques que l’on expérimente et dont l’expérience<br />

concrète place ceux qui la vivent dans des contradictions, dans des<br />

conflits de devoir ou des exigences morales opposées réclamant (<strong>plus</strong> ou<br />

moins également) leur respect. A l’abstraction de la morale (à sa séparation<br />

eu égard aux situations), s’oppose l’éthique, épreuve concrète de la<br />

crise, du combat et de la multiplicité de ce qu’il convient de faire. Il y a<br />

donc une précarité de l’éthique qui, comme le <strong>savoir</strong> philosophique, sait<br />

très bien qu’un acte libre est un problème, un travail, processus sans cesse à<br />

reprendre, un chemin escarpé parce qu’il repose sur des devoirs différents,<br />

parce qu’il engendre des conséquences multiples et parce qu’il s’effectue<br />

dans des conditions qui exigent une adaptation, un dosage, une disposition<br />

ou une mesure du principe d’action. Aristote le sait bien quand, dans<br />

l’Ethique à Nicomaque, il montre que toute sagesse pratique (la prudence,<br />

la phronesis) nécessite l’application de ce qu’il appelle une médiété, un<br />

40. Nietzsche F., Le gai <strong>savoir</strong>, paragraphe 336.<br />

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