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Dépasser Stanislavski - Maison Jean Vilar

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En 1879, le jeune bachelier quitte Taganrog<br />

et rejoint à Moscou sa famille qui s’est<br />

enfuie nuitamment quelques années<br />

auparavant pour éviter la prison pour<br />

dettes. Moscou sera LA ville de Tchékhov,<br />

son origine et son but, alors qu’il ne fera<br />

que de brefs séjours à Saint-Pétersbourg,<br />

ville de Dostoïevski ou de Pouchkine. Et<br />

qu’importent les conditions d’existence<br />

lamentables de cette tribu et de ses hôtes<br />

contraints de vivre dans un sous-sol<br />

insalubre et surpeuplé (nous sommes en<br />

Russie, on ne laisse personne dehors).<br />

Cependant que son frère Nikolaï fréquente<br />

les cercles artistiques et parvient à vendre<br />

quelques tableaux, l’étudiant en médecine<br />

Anton Pavlovitch trouve un moyen commode<br />

et pas trop fatigant de gagner quelques<br />

kopeks : il écrit de courtes histoires à<br />

destination des revues humoristiques à<br />

l’instar de son frère aîné, Alexandre, le plus<br />

doué de la fratrie, qui commence à se faire<br />

un petit nom… Ces revues satiriques sont<br />

friandes de textes courts sans prétention<br />

et amusants : surtout pas de littérature,<br />

elle est réservée aux vrais écrivains. Des<br />

miniatures, des sketches, des croquis,<br />

signés « Antocha Tchékonté », « Ulysse »,<br />

« Le Frère de mon frère », « L’Homme sans<br />

rate »… La revue La Libellule (mais il s’agit<br />

peut-être de La Cigale, les traductions<br />

alternent sur ce point) apprécie ces textes<br />

qu’elle lui paie cinq kopeks la ligne.<br />

Trop de textes lui étant refusés, à vingt<br />

ans Tchékhov se tourne une première fois<br />

vers le théâtre. Il écrit une longue pièce<br />

également refusée. Il en détruit le manuscrit<br />

dont un premier jet sera retrouvé après sa<br />

mort : il s’agit de Platonov, L’Homme sans<br />

père. Grâce à son frère Alexandre, Anton<br />

commence à publier dans une revue de<br />

plus grand renom, Le Réveille-Matin. Sa<br />

nouvelle La Propriétaire, en 1882, banale<br />

histoire de moujiks et d’alcool, affi rme<br />

défi nitivement un talent jusque-là bridé<br />

par l’obligation d’amuser et de divertir.<br />

Nicolaï Leikine, rédacteur en chef de la<br />

revue Les Éclats, l’engage à huit kopeks la<br />

ligne, ainsi que son frère Nicolaï, excellent<br />

dessinateur. En un an, Tchékhov écrit<br />

plus de cent nouvelles courtes, autant de<br />

« choses vues » sur le mode satirique qui<br />

concourent à forger son style particulier.<br />

Véritable soutien de famille, il écrit de plus<br />

en plus pour combler les défi cits de ses<br />

Avec son frère, Nikolaï, illustrateur de ses premiers récits, 1883 (Tchékhov a 23 ans).<br />

Collection Musée littéraire, Moscou.<br />

<br />

frères bambochards impénitents – et Anton<br />

n’est pas en reste : tout au long d’une trop<br />

courte existence qui sera bridée puis brisée<br />

par la maladie, et derrière l’apparence d’une<br />

œuvre mélancolique pleine d’un lucide<br />

scepticisme, son humour, son goût pour<br />

le bonheur, les joies simples, la pêche, les<br />

amis, la fête… ne se démentiront jamais.<br />

Entre l’écriture – de tous les instants –, les<br />

études de médecine – où il ne brille pas<br />

particulièrement –, une famille délirante,<br />

Tchékhov mène une existence épuisante.<br />

Il décroche toutefois son diplôme de<br />

médecin en juin 1884 et, dès l’été suivant,<br />

découvre la grandeur et les servitudes de<br />

ce qu’il ne cessera de prendre pour sa vraie<br />

vocation. Il se lie d’amitié pour un jeune<br />

peintre, Isaac Levitan, obligé de séjourner<br />

en banlieue car Moscou est interdit aux juifs<br />

depuis l’assassinat d’Alexandre II (auquel<br />

a succédé Alexandre III qui a rétabli un<br />

régime ultra autoritaire). À la fi n de l’année,<br />

les premiers symptômes de l’hémoptysie<br />

qui aura raison de lui se déclarent. Il trouve<br />

chez des amis, à Bobkino, en grande<br />

banlieue de Moscou, un havre de paix et<br />

de bonheur où il continue de consulter et<br />

d’écrire. Fin 1885, Leikine l’invite à Saint-<br />

Pétersbourg, capitale des belles lettres :<br />

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