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Dépasser Stanislavski - Maison Jean Vilar

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aussi, en confrontant les versions qu’il a accumulées. Un<br />

travail vraiment passionnant a lieu alors, et nous reprenons<br />

le tout en interrogeant le texte de très près, et, souvent, en<br />

l’étudiant dans toute la fi nesse de ses détails, comme on<br />

peut le faire, encore une fois, en s’essayant à une sorte de<br />

mot à mot… Cela ne change parfois rien du tout à la version<br />

que nous avons proposée mais cela permet de repérer les<br />

points faibles, les erreurs, s’il y en a, ou de préciser des<br />

interprétations… Ensuite, tout se met en place mais peut<br />

encore évoluer au fi l des répétitions et des questions des<br />

comédiens.<br />

Au total, c’est une œuvre à deux mains, qui appartient<br />

d’ailleurs, en fi n de compte, bien plus à Françoise qu’à moi<br />

(rien à voir avec les romans de Dostoïevski, qu’elle a relus,<br />

et dont elle a considérablement amélioré la traduction, mais<br />

dont le mouvement, l’impulsion, le style ne doivent rien<br />

qu’à moi), même si, après quinze ans de travail, on continue<br />

à m’attribuer, à moi seul, ces traductions, — ce qui m’agace<br />

considérablement — car cela révèle, une fois de plus, la<br />

condescendance avec laquelle on considère le travail de<br />

traduction en France. On s’imagine que traduire consiste à<br />

faire passer des phrases étrangères en français. On traduit<br />

le sens et l’on s’imagine avoir traduit le texte, dans une<br />

profonde indifférence à la forme, au style, aux registres de<br />

langue et au non-dit…<br />

La langue de Tchékhov se caractérise par son apparente<br />

banalité. Tout est là et rien n’y est. On peut d’ailleurs très<br />

bien se dire que tout ça n’a aucune importance, aucun<br />

intérêt… C’est plat, c’est banal, voire trivial… Au cours de<br />

notre travail, nous avons appris, peu à peu, à isoler ce<br />

que nous avons appelé des motifs. Or le motif essentiel<br />

d’Oncle Vania est le mot pochly (banal, trivial) qui s’oppose<br />

à prekrasny (splendide, magnifi que). Il me semble que<br />

Tchékhov avait pris en compte et inclus dans la trame même<br />

de la pièce ce qui est à la fois la caractéristique de sa langue<br />

et la thématique profonde de sa pièce.<br />

Françoise Morvan : La langue d’Oncle Vania est ce dont<br />

il est question dans la pièce, ce qui est en question, ce<br />

qui fait question, la chair de personnages qui ne sont<br />

que ce qu’ils disent et qui — pour la première fois dans<br />

l’histoire du théâtre, et, d’ailleurs, pour la première<br />

fois aussi dans l’œuvre de Tchékhov — sont ensemble<br />

ce qu’ils disent, comme des modulations sur une<br />

même trame, des variations épisodiques, non plus des<br />

personnages éternels ; et ce qui importe est cette langue<br />

qui les porte, et ce grand espoir qui les mène au gouffre.<br />

<br />

<br />

Première publication de la pièce La Mouette<br />

dans La Pensée russe, décembre 1896.<br />

Nouvelles d'A.P. Tchékhov, Ed. A. Marks, 1901.<br />

Collection Musée de Melikhovo.<br />

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