28.06.2013 Views

Dépasser Stanislavski - Maison Jean Vilar

Dépasser Stanislavski - Maison Jean Vilar

Dépasser Stanislavski - Maison Jean Vilar

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

traduire, adapter Tchékhov<br />

Une forme<br />

française<br />

Pierre-<strong>Jean</strong> Jouve<br />

C’est vers 1925 que Pitoëff me demanda d’écrire avec lui le<br />

texte des Trois Sœurs de Tchékhov. Il fallait un texte vivant,<br />

d’une réelle forme française, à travers quoi passerait le<br />

plus possible de la nostalgie substance russe. Une forme<br />

assez alerte, et dure en même temps, pour supporter les<br />

sautes continuelles d’humeur, la disparate du discours,<br />

les changements de ton et de situation, les délégations de<br />

douleur ou de colère, les moments soudains aigus, la pitié<br />

enfi n de cette œuvre extraordinaire. Si je me souviens bien,<br />

le premier travail se faisait dans un appartement assez vide,<br />

rue de Buenos-Aires et face à la base de la tour Eiffel. De<br />

grandes pièces avec beaucoup d’enfants dans une familiarité<br />

sérieuse. Il est probable que Georges Pitoëff me dictait en<br />

marchant les phrases les plus proches du dialogue russe ;<br />

j’emportai le premier brouillon et je revenais avec un texte<br />

au net, on recommençait à discuter.<br />

Car Pitoëff avait le plus grand sens de la valeur du texte.<br />

Comme il s’était décidément engagé dans l’adaptation<br />

du théâtre étranger à Paris, ressentant là une mission<br />

particulière – il cherchait aussi à travailler dans la langue la<br />

meilleure, celle qui permet le meilleur jeu. D’où ses travaux<br />

constants avec divers écrivains, qui se superposaient à<br />

tous les autres labeurs : dispositions fi nancières, projets<br />

de mise en scène, répétitions, représentations. Existence<br />

« de fou » d’un directeur-metteur en scène-décorateurauteur-acteur.<br />

Après tout spectacle, on se sentait presque<br />

coupable d’indifférence devant une telle somme d’activité,<br />

et désireux de voir de près le sourire navré de Georges, les<br />

yeux brillants de grâce de Ludmilla.<br />

Pierre-<strong>Jean</strong> Jouve<br />

Cahiers d’art du théâtre et du cinéma,<br />

n°1, 1960, Ed. Spectacles, Paris<br />

Maquette de décor de V. A. Simov pour le 2 ème acte<br />

de La Cerisaie, 1904.<br />

Collection Musée du Théâtre d'art de Moscou.<br />

LES CAHIERS DE LA MAISON JEAN VILAR – N° 110 74

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!