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Dépasser Stanislavski - Maison Jean Vilar

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Les Trois Soeurs, m. en sc. <strong>Stanislavski</strong>,<br />

Collection Musée du Théâtre d'Art, Moscou.<br />

le lieu du théâtre, et celui des Bouffes du Nord. Lorsque<br />

les personnages « oublient » Firs, ils oublient en même<br />

temps les spectateurs qui se trouvent avec lui enfermés<br />

dans le théâtre après avoir entendu le bruit de la clef<br />

dans la serrure… Spectateurs, nous vivons alors en direct<br />

l’expérience de l’abandon de la maison-théâtre. Brook est-il<br />

allé si loin avec nous et Tchékhov qu’il ne l’a plus jamais mis<br />

en scène par la suite ?…<br />

Il faut observer que, dès les débuts de la mise en<br />

scène moderne au Japon, les artistes japonais se sont<br />

immédiatement attachés à Tchékhov et à Gorki — Les<br />

Trois Sœurs, Les Bas-fonds —, en copiant les spectacles<br />

grâce aux cartes postales éditées par le Théâtre d’Art<br />

qui avait déjà compris l’intérêt des produits dérivés et<br />

l’importance de sa mission de formation. Il ne s’agissait pas<br />

seulement de quelques clichés, mais de dizaines d’images<br />

retraçant l’intégralité de la représentation : une véritable<br />

« captation » photographique, dirait-on aujourd’hui. C’est<br />

ainsi que les premières mises en scènes japonaises étaient<br />

des copies conformes de ces théâtres-photos, comme on<br />

dit romans-photos. Le Théâtre d’Art n’était pas un théâtre<br />

commercial, puisque c’est contre cela qu’il s’est fondé,<br />

mais assurément une entreprise désireuse de durer,<br />

consciente des nécessités économiques ainsi que de sa<br />

propre grandeur : elle devait essaimer, faire connaître<br />

l’importance de ses découvertes. Il faut rappeler que le<br />

Théâtre d’Art est le fruit d’une rencontre entre un « fi ls de<br />

famille », Constantin <strong>Stanislavski</strong>, passionné de théâtre et<br />

acteur amateur, et un auteur-professeur de théâtre (parmi<br />

ses élèves se trouvait Meyerhold), Vladimir Némirovitch-<br />

Dantchenko. Ces deux hommes habités par une grande idée<br />

du théâtre se rencontrent dans un restaurant, le Bazar slave,<br />

et discutent dix-huit heures durant ! C’est en cette nuit<br />

passionnée que naît le projet du Théâtre d’Art à direction<br />

bicéphale dont ils défi nissent d’emblée et en détail les<br />

ambitions et les exigences, parmi lesquelles « l’accessibilité<br />

à tous», formule qui devait à l’origine compléter le nom du<br />

théâtre. Mais une telle accessibilité suppose des prix de<br />

places modiques, ce qui s’est vite avéré irréalisable. Ils ont<br />

créé, pour fonder le Théâtre, une société par actions qui<br />

réunit des capitaux privés provenant des riches marchands<br />

de Moscou, ce que stigmatisera Meyerhold en s’insurgeant<br />

contre « la présence des millionnaires moscovites dans la<br />

salle ». Soumis assez vite aux compromis impliqués par le<br />

mécénat, l’histoire du Théâtre d’Art reste cependant la belle<br />

histoire de la rencontre entre des amateurs et une école de<br />

formation professionnelle, et entre un acteur et un auteur.<br />

Ce sont toutes les forces vives du théâtre qui se sont liguées<br />

ce soir-là au Bazar slave, et l’on comprend pourquoi ces<br />

ardentes dix-huit heures sont devenues une légende dans<br />

l’histoire du théâtre russe et mondial.<br />

Il faut insister sur un point essentiel : <strong>Stanislavski</strong> et<br />

Meyerhold sont tous deux des chercheurs. Ainsi, lorsque<br />

<strong>Stanislavski</strong> s’essaie à Maeterlinck, en 1904, il s’aperçoit<br />

vite que ce qui n’est pas encore sa « méthode » ne convient<br />

pas du tout pour traiter ce type de littérature dramatique. De<br />

même avec Shakespeare. C’est pourquoi en 1905 il demande<br />

à Meyerhold – qui s’est fait une réputation personnelle —,<br />

de revenir pour créer un studio d’essai près le Théâtre d’Art,<br />

où il monte La Mort de Tintagiles de Maeterlinck (que Claude<br />

Régy mettra en scène un siècle plus tard, non sans penser<br />

aux écrits de Meyerhold). A la générale, <strong>Stanislavski</strong><br />

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