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116 JOURS DE FAMINE El' DE DÉTRESSE<br />

tour. Moi, comme Frison, je supportai bien le<br />

froid, mais ces petits hommes bruns, qui par!<br />

laient une langue incompréhensible, mouraient<br />

comme des hannetons. Le froid les raidissait et<br />

leur coupait le caquet; car, pour du caquet, ils<br />

en avaient : ils parlaient et riaient dans les situa­<br />

tions' les plus abominables, et allaient à l'assaut ./<br />

comme pour le plaisir, en vrais démons qu'ils<br />

étaient. La nourriture les préoccupait peu : du<br />

pain et un oignon et ils avaient bien dîné; mais<br />

le froid en faisait des petits garçons. Ils com­<br />

mençaient par traîner la patte, puis se frottaient<br />

les yeux, comme pris de vertige, puis .entement<br />

ils s'effondraient et s'endormaient. C'était fini :<br />

ils ne se réveillaient plus.<br />

« Un d'eux faisait route avec moi. Il lutta con­<br />

tre l'engourdissement : il me parlait, me parlait;<br />

je ne comprenais naturellement rien ; un peu<br />

, après, il zézayait; à la fin, ne pouvant plus se<br />

traîner,' il s'accrocha à moi, en bégayant comme<br />

un enfant, et ainsi que les autres, il s'écroula<br />

doucement. Je pris deux limbales en or dans son<br />

havresac.<br />

« Si en chemin je n'avais pas mendié, le gros<br />

orteil ostensiblement hors de la chaussure, il est<br />

probable que jamais je ne serais revenu; mais<br />

on me prit pour un pauvre diable, saDS rien. :.

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