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JE QUllTE MA PLACE 139<br />
heure, j'avais le sang à la tête de respirer l'air<br />
empesté de notre taudis ; j'étais néanmoins fré<br />
missante de bonheur de me trouver parmi les<br />
miens.<br />
Je grandissais, et commençais à échapper com<br />
plètement à mes parents. J'étais sans- aucune<br />
instruction ; mais depuis l'âge de sept ans, auquel<br />
j'avais, appris à lire, je dévorais avidement n'im<br />
porte quel écrit qui me tombait sous la main.<br />
En 1870, j'allais, en me rendant à l'école, lire,<br />
depuis le premier mot jusqu'au dernier, les dépê<br />
ches de la guerre affichées aux devantures des<br />
magasins, et ces massacres me hantaient au point<br />
que je ne parvenais plus à m'appliquer aux<br />
leçons. J'avais suivi toute l'affaire Tropmann<br />
. dans les journaux collés au recto et au verso ')ur<br />
les murs à affiches d'Amsterdam ; j'ai lu ainsi<br />
des feuilletons entiers.<br />
Mais mon impressionnabilité avait surtout été<br />
mûrie par la misère, qui nous obligeait à ruser<br />
pour avoir du crédit, qui nous faisait passer par<br />
toutes les transes du loyer qu'on ne pouvait<br />
payer, et la honte des créanciers qui venaient<br />
nous insulter et ameuter les voisins. Des infamies<br />
s'étaient incrustées dans ma mémoire, comme<br />
celle de l'usurière qui avait gardé l'argent<br />
épargné sur la faim de nos enfants et ne nous