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NOUS VIVONS DE CHARITÉ 93 1<br />
,<br />
teur allemand occupa sa place. Mon père nous<br />
abandonnait en plein hiver, laissant ma mère<br />
avec neuf enfants, sans ressources aucunes.<br />
Ma mère s'en fut trouver le curé, qui bientôt<br />
intéressa plusieurs dames à notre sort ; elles<br />
furent tout de suite d'accord pour me mettre,<br />
jusqu'à ma majorité, dans un établissement de<br />
bienfaisance. Notre ahurissement fut intense.<br />
Ma mère s'étànt rendue à cet éfab1issement pour<br />
les arrangements à prendre, et ayant vu des<br />
petites filles qu'on 'y élevait, vint 'nous dire que<br />
ces enfants avaient l'air si matées et s'inclinaient<br />
si profondément devant la supérieure, et ceci. ..<br />
et cela... Bref, l'idée seule de savoi,r sa petite<br />
Keéfje aussi aplatie lui serrait la gorge, et, quand<br />
elle dut signer un acte par lequel elle renonçait<br />
à tout droit sur 'moi, elle refusa. Zut ! elle aimait<br />
lllieux que ' j'eusse faim avec elle : en somme,<br />
nous en avions vu bien d'autres 1<br />
Ce nous fut un grand soulagement de nous<br />
être décidés à crever de faim ensemble.<br />
Nous fîmes, à cette époque, la connaissance<br />
de tous les établissements de charité d'Amster<br />
dam. Un d'eux nous donnait trois pains noirs<br />
par semaine; un autre, tous les quinze jours, un<br />
florin en pièces d'un cent . il y avait bien pour<br />
cinq cents de mauvaise monnaie, mais enfin 1<br />
.