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MA FILLE, MONSIEUR CABANEL 143<br />

me témoignaient beaucoup de sympathie, parce<br />

que j'étais douce et vaillante : unè grande<br />

bonhomie régnait dans nos rapports. Nos poux<br />

même sympathisaient. Les juifs avaient des poux <br />

noirs, moi des blonds, et au bout de quelques<br />

jours, nous avions fait des trocs. Nous eûmes<br />

tous des pou noirs, blonds, et des métis châ­<br />

tains, mais aucun de nous ne s'offensait de ce<br />

libre échange ; nous les tuions, avec le pouce, sur<br />

le coin de la table, et éprouvions un plai.sir féroce<br />

à ' les entendre craquer sous l'ongle.<br />

Un soir de sabbat, j'allais me déshabiller pour<br />

me mettre au travail, quand ma mère vint. Elle<br />

demanda à la Juive si je ne pouvais sortir pen­<br />

dant ·quelques heures, ajoutant que mon oncle<br />

d'AlleinagnE} était arrivé et voulait me voir avant<br />

de partir. Je devinais le mensonge. Au bas de<br />

l'escalier, attendait Mina habillée en traînée, les<br />

cheveux coupés court et frisés au fer comme<br />

ceux d'un acrobate, le visage camard grossière­<br />

ment fardé de blanc et .de rouge. Je me fâchai,<br />

disant que je ne voulais pas qu'on vînt me faire<br />

honte chez mes patrons. Elle me répondit que je<br />

devais être plutôt flattée qu'une sœur si bien<br />

mise venait me voir.<br />

- Oui, mais ton air de grue et la gueule de<br />

clown que tu t'es faite, en disent long sur hi<br />

V

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