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TROISIÈME EXODE 149<br />
quai. Cette ville, très morte à cette époque, me<br />
déplut. Le flamand qu'on parlait autour de moi<br />
me semblait ce que j'avais, de ma vie, entendu<br />
de plus grossier. Une dame bien mise disait à<br />
un enfant : « Marche, marche, ou je te donne sur<br />
ton cul ». Je vis de grandes. fillettes s'accroupir,<br />
en se découvrant plus haut qu'il n'était héces<br />
saire, sans la moindre retenue. Ah ! si c'était là<br />
le Belge ! Je demandai où se trouvaient les ca<br />
naux. Je ne me figurais pas de ville sans canaux.<br />
- Il n'y en a, dit mon père, que dans le quar<br />
tier des prostituées, et encore !<br />
Pas de canaux ! Je pris tout en aversion dans<br />
cette ville.<br />
Nous mîmes nos frusques sur une charrette à<br />
bras, que Hein et moi poussâmes jusqu'au fond<br />
' d'un faubourg. Cette fois, mon p è re ne s'était<br />
même pas avisé de chercher une demeure quel<br />
conque. De braves cabaretiers chez qui il logeait,<br />
nous permirent de coucher dans leur grenier.<br />
- Il n'y a que le cordonnier du premier qui<br />
y travaille, nous dit la femme.<br />
Nous mîmes de la paille par terre, et nous voilà<br />
couchés, ayant tous la migraine, à proximité de<br />
ce cordonnier, qui nous reluquait, ma sœur et<br />
moi et qui, dès cinq heures du matin, tapait dur<br />
sur le cuir.<br />
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