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LES DEUX GRENADIERS 117<br />

Ma mère, qui s'était réchauffée, conta, à son<br />

tour, la campagne de son oncle'Hannis en Espa­<br />

gne. L'oncle Hannis était un petit Liégeois, très '<br />

pieux. Il avait avec beaucoup d'autres, dù partir­<br />

pour ce pays. C'était très loin, et, à mesure que<br />

l'on marchait, la terre devenait si sèche et les _<br />

gens si bruns qu'il se disait que certainp.ment on<br />

le conduisait au bout du monde : et il nTait rai­<br />

son, il a vu le bout du monde, confirmait ma<br />

mère. On leur tirait dessus de derrière les buis­<br />

sons; les coups partaient des maisons, des toits,<br />

des arbres, mais on ne voyait personne. Alors,<br />

après une plaine jaune de sable brûlant, ils arri­<br />

vèrent au bout du monde, là où le ciel vient<br />

rejoindre .la t terre en une eau bleue, bleue,<br />

comme on n'en avait jamais vu. Les camarades<br />

-s'étaient baignés dans le ciel, mais lui s'était<br />

agenouillé ; par respect, il y avait seulèment<br />

trempé les mains, et, de ses doigts JVouillés, il<br />

avait fait le signe de la croix.<br />

Pour ce qui était de l'app.orter du butin, l'oncle<br />

disait que ' c'était un pays de meurt-de-faim,)où<br />

des femmes, noires comme des sorcières, chan- _<br />

taient et dansaient beaucoup, en poussant la<br />

Il ? croupe "et en faisant claquer des petits morcëaux<br />

1 de Dois entre les doigts. Quant à boire et à man­<br />

ger comme dans notre pays,. là-bas les gens

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