journal of european integration history revue d'histoire de l ...

Book reviews – Comptes rendus – Buchbesprechungen 141étaient majoritairement rejetés par les diplomates anglais, la politique allemande d’Edenrencontrait très largement l’assentiment du Foreign Office qui, de fait, relaya avec efficacitéles conceptions de son ministre.Si les contemporains d’Eden comme les historiens lui ont parfois reproché son manquede «grand dessein» politique, celui-ci avait néanmoins une conscience très aiguë del’importance stratégique que l’Allemagne, champs de bataille européen par excellence,pouvait représenter pour la sécurité britannique. Partant de ce postulat fondamental, Edendétermina les fondements de la politique à tenir vis-à-vis de la RFA selon deux optionsprincipales. Il entendait en effet lier et ancrer la RFA à l’Ouest, notamment au travers de sonintégration dans les institutions européennes tout en nouant parallèlement des contacts avecl’Union soviétique, il espérait que la détente du climat international qui devait en résulterfavoriserait la résolution de la question allemande. Kipp relève que seule la combinaison deces deux options offraient, aux yeux d’Eden, la garantie du maintien de l’influencebritannique en Allemagne ainsi que son contrôle (p.393). A cet égard, l’étude distincte dechacune de ces options dans deux parties thématiques distinctes apparaît regrettable, car elleen occulte en partie la complémentarité, donc la spécificité et l’originalité de la politiqueallemande du ministre britannique.Alors même que l’Angleterre se distance très rapidement des efforts d’intégrationeuropéenne et refuse de participer à la Communauté du charbon et de l’acier (CECA) puis laCommunauté européenne de défense (CED), Eden appuie la participation de l’Allemagne àla construction de l’Europe. Kipp montre cependant que les motivations profondes d’Edentiennent moins au respect des obligations incombant au Royaume-Uni en tant que puissancealliée, qu’à la volonté de protéger les intérêts de son pays en Europe. Néanmoins, Eden aégalement rapidement compris que la coopération active et volontaire de l’Allemagneconstitue une condition essentielle à la réussite de sa politique (p.67). C’est d’ailleurs pourcette raison que le gouvernement britannique, conscient de la signification politique plusque militaire du réarmement allemand, accepte que celui-ci s’effectue dans un cadre, sinoneuropéen, suite à l’échec de la CED à laquelle il était favorable, du moins atlantique. SelonKipp, l’adhésion de la RFA à l’Union de l’Europe occidentale (UEO) puis à l’Organisationdu Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) doit d’ailleurs beaucoup aux efforts du ministrebritannique.Kipp met également en évidence l’importance considérable que Eden et, avec lui, leForeign Office, accordaient à la question de la neutralité allemande. A leurs yeux, uneAllemagne neutralisée, démilitarisée ou non, représentait une menace directe pour lasécurité britannique. La position anglaise vis-à-vis des initiatives soviétiques des années52-54 découle pour beaucoup de ces réflexions. Selon l’auteur, le Foreign Office, bien quesceptique quant à la sincérité et par voie de conséquence, à la possible réalisation des offresstaliniennes, suit une double stratégie visant à poursuivre les négociations avec l’Unionsoviétique sans pour autant remettre en cause le principe de l’intégration allemande àl’Ouest. Cependant, Eden échoue à résoudre le dilemme inhérent à la question allemande, àsavoir comment résoudre le problème de la division de l’Allemagne sans mettre en danger lasécurité européenne et dans le cas présent, les intérêts anglais, tout en sachant que laperduration du statu quo recelait tout autant de dangers (p.228).Dans son étude, Kipp démontre que la politique d’Eden vis-à-vis de l’Allemagne sefonde en majeure partie sur des considérations sécuritaires dont la mise en œuvre s’inspiretrès largement de la vielle tradition britannique du «balance of power». Eden, qui parexpérience nourrissait une certaine méfiance à l’égard des Allemands, redoutait en effet quele maintien indéterminé du statu quo ne pousse les Allemands à s’entendre avec l’Unionsoviétique, comme ils l’avaient déjà fait à plusieurs reprises dans le passé, et il espéraitmettre en échec toute tentative en ce sens en nouant des contacts étroits avec les Soviétiques.Ce «complexe de Rapallo» explique également l’attachement d’Eden à l’intégration