journal of european integration history revue d'histoire de l ...

88Marie-Thérèse Bitschinstitutions, 28 il devait lâcher du lest sur l’élargissement, ce qui pouvait en fin decompte s’avérer doublement avantageux, car, une fois entrée dans la CEE,l’Angleterre aurait à cœur, comme la France, de s’opposer à une évolutionsupranationale de la Communauté.S’engager vers l’élargissement devait débloquer la coopération entre les Six enattendant les nouveaux membres et permettre non seulement une sortie de crisemais un renforcement du Marché commun sincèrement souhaité par Pompidou. 29Féru d’économie et soucieux d’efficacité, ce saint-simonien passé par la banqueRothschild et par Matignon (premier ministre de 1962 à 1968) sait que la puissancede la France passe par une modernisation possible dans le cadre de la CEE etindispensable à un moment où il faut éviter de se laisser distancer par le voisinallemand devenu un géant économique.Un argument supplémentaire est parfois invoqué: Pompidou aurait voulul’élargissement pour faire de l’Angleterre un contrepoids à l’Allemagne au sein dela Communauté. Force est de constater que cette thèse n’apparaît pas dans lediscours des Français. Ni, bien sûr, dans les déclarations publiques ou officielles, cequi se comprend aisément, les Français souhaitant préserver l’image d’une«relation exemplaire» avec l’Allemagne. 30 Ni dans les discussions internes etconfidentielles où certaines motivations sont pourtant exposées de manière assezdirecte. 31 Par ailleurs, Willy Brandt cherche à démonter cette argumentation qu’ilprésente comme inutile et peu percutante. Selon lui, la notion de contrepoids n’estplus de mise puisque l’Allemagne ne veut pas dominer le continent et que tout lemonde sait bien qu’en Europe occidentale aucun problème ne peut avoir desolution sans l’Allemagne. 32 Enfin, à contre-courant d’une légende tenace, lesdocuments d’archives 33 et les travaux récents des historiens 34 montrent quel’absence d’affinités personnelles n’empêche pas une étroite coopération politiqueentre Pompidou et Brandt, notamment en faveur de la relance en 1969.28. Voir P. GERBET, Georges Pompidou et les institutions européennes, op.cit., pp.55-83, et Leprésident Georges Pompidou et les institutions européennes, in: M.-Th. BITSCH (dir.), Le coupleFrance-Allemagne … op.cit., pp.355-375.29. M. VAISSE, Changement et continuité dans la politique européenne de la France, in: AssociationGeorges Pompidou, op.cit., pp.29-43.30. Formule utilisée d’abord par Pompidou et répétée par Brandt qui déclare la prendre très volontiersà son compte. Voir PV de l’entretien du 4 juillet 1969, 5AG2, 104.31. Voir par exemple les PV des conseils restreints, 5 AG2, 52 et 53.32. Bonn à Paris, 13 mai et 22 mai 1969, MAE, 2725.33. Voir notamment, dans 5AG2, les PV des sommets bilatéraux franco-allemands et lacorrespondance entre Pompidou et Brandt.34. Notamment, G.-H. SOUTOU, L’attitude de Georges Pompidou face à l’Allemagne, in:Association Georges Pompidou, op.cit., pp.267-313; A. WILKENS, Relance et réalités. WillyBrandt, la politique européenne et les institutions européennes, in: M.-Th. BITSCH (dir.), Lecouple France-Allemagne …, op.cit., pp.377-418; et Mémoire (non encore publié) présenté en vuede l’Habilitation à diriger des recherches et soutenu le 15 décembre 2001, Université de Paris III.