journal of european integration history revue d'histoire de l ...

83Le sommet de La Haye.L’initiative française, ses finalités et ses limitesMarie-Thérèse BitschSeule la France qui s’était opposée dans les années 1960 à l’entrée du RoyaumeUni dans la CEE pouvait mettre fin au blocage qui frappait la Communauté depuisle deuxième veto du général de Gaulle, en novembre 1967. Après la démission dece dernier, en avril 1969, il revient à Georges Pompidou, son successeur à laprésidence de la République, de prendre une initiative pour sortir la constructioneuropéenne de l’impasse. Il le fait rapidement, dès juin-juillet 1969, en proposantune méthode (une tactique): la réunion d’une conférence au sommet des chefsd’Etat et de gouvernement des Six et un objectif (une stratégie) précisé par lecélèbre triptyque: achèvement, approfondissement, élargissement. Mais sa margede manœuvre est étroite en raison de la situation intérieure française et du climatinternational, notamment des relations sérieusement détériorées entre la France etses partenaires européens.En s’appuyant sur des archives françaises et européennes, 1 cette étude cherche àanalyser le processus qui conduit les autorités françaises, de l’électionprésidentielle en juin 1969 au sommet de La Haye en décembre 1969, à initier unerelance dont l’importance est souvent comparée à celle de Messine en 1955, mêmesi ses modalités et ses conséquences sont sensiblement différentes. 2 Cet articleessaie de répondre à quelques questions en se plaçant d’un point de vue français.Pourquoi la France veut-elle une relance (I)? Pourquoi la faire au moyen d’unsommet (II)? Comment – sur la base de quelles priorités – la réaliser (III)?1. Sources consultées: dossiers du Fonds Pompidou, Archives nationales, Paris, série 5AG2(désignés désormais, en abrégé, 5AG2); Archives du Quai d’Orsay, Ministère des Affairesétrangères, Paris (par la suite, MAE) notamment la série Questions internationales européennes,1966-1970, dossiers n˚ 2724 et 2725 ainsi que la série Secrétariat général, entretiens et messages,dossiers n˚ 37, 39 et 40; les Archives des Communautés européennes à Bruxelles, celles de laCommission et du Conseil. Le Bulletin quotidien de l’Agence Europe (ci-dessous, Europe) fournitégalement beaucoup d’informations.2. Sur la relance de 1969 et une esquisse de comparaison entre La Haye et Messine, voir M.-Th.BITSCH, Le sommet de La Haye. La mise en route de la relance de 1969, in: W. LOTH (dir.),Crises and Compromises: The European Project, 1963-1969, Nomos Verlag, Baden-Baden, 2001,pp.539-565. A la différence de ce premier article qui analysait la préparation du sommet de LaHaye en montrant le rôle de l’ensemble des acteurs (gouvernements des Six, institutionseuropéennes, organisations de la société civile), la présente étude se focalise sur l’attitude de Paris,en essayant de voir dans quelle mesure le gouvernement français tient plus ou moins compte despositions de ses interlocuteurs. Ce deuxième article prend en compte les archives du Quai d’Orsayqui n’étaient pas encore accessibles en 1969, lors du colloque organisé par Wilfried Loth.