journal of european integration history revue d'histoire de l ...

Le sommet de La Haye 85droit». 6 Certains considèrent alors que la France pouvait mettre ses partenaires aupied du mur, que l’heure de vérité était arrivée pour les Six qui devront prendre desdécisions et ne plus s’abriter derrière la rhétorique du général. 7 Mais dans unpremier temps, les espoirs restent modérés: on veut se garder de toute illusion, ons’attend à beaucoup de réserves sur l’élargissement, on estime que le prochaingouvernement maintiendra certaines positions qui correspondent aux intérêts de laFrance. 8 Et d’ailleurs, Michel Debré, le ministre des Affaires étrangères dugouvernement qui reste en place jusqu’à l’élection du nouveau président, met engarde contre des attentes excessives. Selon lui, le futur gouvernement français, quelqu’il soit, sera attaché à la politique agricole commune et, n’ayant pas au départl’autorité du général de Gaulle, il sera plus dur dans ce domaine; or, aucungouvernement britannique n’ayant jamais accepté la PAC, parler d’adhésion dansces conditions lui paraît théorique. 9Les Cinq ont-ils envisagé de faire pression plus ou moins discrètement sur laFrance pendant la campagne électorale? Dans une interview publiée par le Spiegel,Willy Brandt, alors ministre des Affaires étrangères du gouvernement de grandecoalition, 10 déclare qu’il serait intéressant que la France donne un signe sur ce quisemble possible mais que «l’Allemagne doit éviter de donner le sentiment d’unepression, ou d’une immixtion ou d’une humiliation du partenaire français». 11 Lesgroupes politiques du Parlement européen s’expriment également. Les socialistes,par exemple, estiment que les événements en France devraient permettre unnouveau développement de l’intégration. Ils souhaitent une ouverture, dès quepossible, de nouvelles négociations en vue de l’élargissement et une décisionrapide sur l’élection directe du Parlement européen et sur le renforcement de sespouvoirs. 12Au lendemain du premier tour des élections présidentielles, 13 le 5 juin, unconseil de l’UEO se tient à La Haye, toujours sans la France qui prolonge lapolitique de la chaise vide. A cette occasion, Joseph Luns, le ministre néerlandaisdes Affaires étrangères, suggère que les Six de la CEE adoptent prochainement unedéclaration d’intention au sujet de l’élargissement. 14 Celle-ci pourrait avoir valeurde test sur les dispositions du nouveau gouvernement français. Le même jour, Willy6. Rome à Paris, 30 avril 1969, MAE, 2725.7. Ibid., et Bonn à Paris, 12 juin, ainsi que La Haye à Paris, 11 juin 1969, MAE, 2725.8. Voir Rome à Paris, 30 avril, Bonn à Paris , 13 mai et 12 juin, MAE, 2725.9. Procès-verbal (PV) de la réunion du Conseil Affaires générales tenue à Bruxelles le 12 mai 1969,MAE, 39.10. Cette coalition CDU/CSU-SPD, dirigée par le chancelier Kurt-Georg Kiesinger (1966-1969) seraremplacée par un gouvernement SPD-FDP dirigé par Willy Brandt en octobre 1969.11. Bonn à Paris, 13 mai 1969, MAE, 2725.12. Europe, 2 juin 1969 (Une réunion du groupe socialiste du Parlement européen s’est tenue à Hambourg,les 29 et 30 mai 1969).13. Le premier tour a lieu le 1 er juin, le second le 15 juin. Restent en lice pour le second tour, AlainPoher et Georges Pompidou qui est le mieux placé avec 44,5% des suffrages exprimés.14. La Haye à Paris, 11 juin 1969, MAE, 2725. Joseph Luns renouvelle sa demande le 17 juin, devantl’Assemblée de l’UEO, à Paris (Europe, 18 juin 1969).