journal of european integration history revue d'histoire de l ...

42Jérôme WilsonRobert Rothschild, ambassadeur de Belgique à Paris en 1969, évoque un lienentre Rome et La Haye: «Tandis que le sommet de Rome pour le X ème anniversairedu Traité avait été funèbre, celui de La Haye d’abord et celui de Paris en 1972devaient être des étapes constructives». 4 Quels sont les facteurs qui expliquent cetteévolution?Après Rome, tous n’ont pas cédé à la fatalité. Si en 1967 les pionniers ne sontplus sur le devant de la scène, des hommes politiques tels Pierre Werner, JosephLuns, Willy Brandt et bientôt Maurice Schumann garantissent la pérennité del’idéal européen. A leurs côtés, les Belges ne sont peut-être pas nombreux, 5 mais ilsne sont certainement pas inactifs. Aux Affaires étrangères, Pierre Harmel dirige unpetit orchestre brillant qui, des lendemains de Rome qui déchantent aux joursmeilleurs de La Haye, a su jouer avec brio la pièce imposée. Au milieu des grandespuissances paralysées, les Belges ont suscité l’imagination institutionnelle (àtravers le Benelux et l’UEO), provoquant certains grincements de dents, voire, àleur corps défendant, des casus belli. Mais au final, l’approche pragmatique mettantl’accent sur la consultation mutuelle sera plébiscitée avec force à La Haye. Dès quela voie monétaire se dessine sous la pression des événements (non-dévaluation de1968 et dévaluation de 1969 du franc français) et l’impulsion d’acteursextra-gouvernementaux (la Commission et le plan Barre, le Comité d’Action pourles Etats-Unis d’Europe, la Ligue européenne de Coopération économique), despropositions belges bien charpentées voient le jour.Le glissement réaliste de préoccupations – pourtant chères aux Belges – dudomaine politico-militaire vers des préoccupations technologiques et monétaires,en donnant vie à l’approfondissement auquel les Français souhaitent couplerl’élargissement, contribuera grandement à la «réussite» du sommet. Ce succès n’estpossible que parce qu’il y a eu des évolutions dans la pratique diplomatique et lesexigences politiques. Du point de vue belge, ce changement se matérialise par unpragmatisme plus grand au détriment de l’orthodoxie. Ainsi, une petite évolutioncomme la clarification dans le paragraphe 15 des responsabilités en matière decoopération politique entre les chefs de gouvernement et leurs ministres desAffaires étrangères, favorable à ces derniers, s'avérera décisive pour que des4. R. ROTHSCHILD, op.cit., p.83.5. «Faute de débat politique sur l’Europe, la formulation de la politique européenne demeura, commepar le passé, la chasse gardée d’un groupe très restreint de personnes autour du ministre des Affairesétrangères et dans les administrations concernées», R. COOLSAET, La politique extérieure dela Belgique, au cœur de l’Europe, le poids d’une petite puissance, De Boeck & Larcier, Bruxelles,2002, p.197. A noter que l’on retrouve cependant des Belges dans les principaux groupes de pressionde l’époque, Comité d’Action pour les Etats-Unis d’Europe et Ligue européenne de Coopérationéconomique en tête.