Les circuits de distribution des produits alimentaires
2016_03_circuit_produits_alimentaires
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Rapport<br />
Encadrer les marges arrières : la loi NRE et la circulaire Dutreil<br />
Le bilan <strong>de</strong> la loi Galland doit être dressé à l’aune <strong>de</strong> ses conséquences plus générales<br />
sur l’économie nationale, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la seule relation fournisseurs-distributeurs. À cet<br />
égard, la Commission Canivet s’inquiétait <strong>de</strong> la montée <strong>de</strong>s prix <strong>de</strong>s <strong>produits</strong> <strong>de</strong> gran<strong>de</strong><br />
consommation qui prévalait à l’époque. Même si elle considérait que d’autres facteurs<br />
avaient pu y contribuer, elle mettait l’accent sur l’impact négatif <strong>de</strong> la loi et établissait un lien<br />
direct entre le développement <strong>de</strong> la coopération commerciale et <strong>de</strong>s marges arrière et la<br />
hausse <strong>de</strong>s prix. Le rapport <strong>de</strong> la Commission Canivet relevait la forte progression <strong>de</strong>s marges<br />
<strong>de</strong>s distributeurs, qu’il évalue à 20 % sur la pério<strong>de</strong> 1995-1999, en soulignant que les marges<br />
arrières, qui ont plus que doublé sur cette pério<strong>de</strong>, expliquent à elles seules plus <strong>de</strong> la moitié<br />
<strong>de</strong> cette hausse. Depuis, <strong>de</strong> nombreux autres travaux ont mis en exergue les mécanismes<br />
inflationnistes liés à cet encadrement <strong>de</strong>s relations producteurs-distributeurs. Le rapport<br />
<strong>de</strong> Mme Marie-Dominique Hagelsteen 16 expliquait ainsi qu’un tel déplacement <strong>de</strong> la<br />
négociation « reflète une utilisation <strong>de</strong>s marges arrières comme outil <strong>de</strong> différenciation tarifaire<br />
<strong>de</strong> facto entre distributeurs par les fournisseurs ». Selon ce rapport, ce déplacement « a conduit<br />
à un affaiblissement <strong>de</strong> la concurrence par les prix, pour le plus grand profit <strong>de</strong>s distributeurs et<br />
d’une partie au moins <strong>de</strong>s fournisseurs, ceux offrant <strong>de</strong>s <strong>produits</strong> <strong>de</strong> marque nationale qui leur<br />
confère un pouvoir <strong>de</strong> marché, et donc <strong>de</strong> négociation, plus important que ce n’est le cas <strong>de</strong>s<br />
fournisseurs <strong>de</strong> <strong>produits</strong> non différenciés (premiers prix, marques <strong>de</strong> distributeurs). ». En somme,<br />
selon ce rapport, « le seul perdant a été le consommateur, la législation interdisant <strong>de</strong> répercuter<br />
les marges issues <strong>de</strong> la négociation commerciale dans le prix <strong>de</strong> vente au détail ».<br />
Dans ce contexte, le parlement et le gouvernement ne sont pas restés sans réaction.<br />
Alors que la sauvegar<strong>de</strong> du pouvoir d’achat et la lutte contre la vie chère étaient au centre<br />
du débat politique, le titre I (Moralisation <strong>de</strong>s pratiques commerciales) <strong>de</strong> la loi du 15 mai 2001<br />
sur les Nouvelles régulations économiques (NRE) illustre la volonté du législateur <strong>de</strong> mieux<br />
i<strong>de</strong>ntifier et sanctionner les pratiques abusives. Un premier volet du texte, <strong>de</strong> nature<br />
« répressive », apporte <strong>de</strong>s précisions sur les dispositions alors en vigueur concernant les<br />
pratiques illicites. Il interdit d’obtenir, ou <strong>de</strong> tenter d’obtenir, « un avantage quelconque<br />
ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement<br />
disproportionné au regard <strong>de</strong> la valeur du service rendu ». Dans cet esprit, « l’abus <strong>de</strong><br />
dépendance économique » et « l’abus <strong>de</strong> puissance d’achat » sont explicitement mentionnés<br />
comme caractérisant <strong>de</strong>s pratiques illicites. De façon plus générale, est présumée constituer<br />
un avantage discriminatoire toute coopération commerciale ou toute forme <strong>de</strong> marge<br />
arrière sans contrepartie proportionnée. En outre, le fait pour un distributeur d’obtenir <strong>de</strong>s<br />
avantages dérogatoires sous la menace d’un déréférencement partiel ou total engage sa<br />
responsabilité. Le texte aggrave les sanctions <strong>de</strong>s abus <strong>de</strong> certains accords <strong>de</strong> coopération<br />
et facilite la réparation <strong>de</strong>s entreprises qui en sont victimes, grâce, notamment, à un<br />
renforcement <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> l’État auprès <strong>de</strong>s tribunaux. Dans son second volet, <strong>de</strong> nature<br />
préventive, la loi créé la Commission d’examen <strong>de</strong>s pratiques commerciales (CEPC) chargée<br />
16 La négociabilité <strong>de</strong>s tarifs et <strong>de</strong>s conditions générales <strong>de</strong> vente, rapport <strong>de</strong> Mme Marie-Dominique Hagelsteen<br />
remis à Mme Christine Lagar<strong>de</strong>, ministre <strong>de</strong> l’Économie, <strong>de</strong>s finances et <strong>de</strong> l’emploi et Luc Chatel, secrétaire<br />
d’État chargé <strong>de</strong> la Consommation et du tourisme, le 12 février 2008.<br />
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