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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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111<br />

tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

organisé selon un même système d’organisation, c’est-à-dire présentent une « unité de<br />

système dans la composition et l’arrangement des parties organiques » 1 . Autrement dit, « tous<br />

les êtres sont formés sur un même patron, modifié seulement dans quelques-unes de ses<br />

parties » 2 . Sur cette base, l’anatomie qui cherche à pénétrer la structure et la composition des<br />

êtres ne peut être que comparée, sinon elle n’est rien. 3<br />

Ce principe, rapidement exposé, surprend de prime abord par sa radicalité. Car qu’y a-<br />

t-il de commun dans l’organisation d’un poisson et d’un mammifère, a fortiori entre un<br />

vertébré et un invertébré ? Dans le premier cas, des fonctions se retrouvent chez l’un et pas<br />

chez l’autre ; dans le second cas, il paraît que ce soit la structure même des organismes qui<br />

soient irréductibles, puisque l’un est justement désigné par l’absence de ce que l’autre<br />

possède. Dans ces conditions, comment parler d’une unité de composition ? Qu’est-ce qui est<br />

sujet à unité ? Dans sa polémique célèbre avec Cuvier en 1830, E. Geoffroy Saint-Hilaire est<br />

amené à préciser ce qu’il s’agit au juste de comparer et ce que l’on retrouve de constant sous<br />

la diversité des vivants. Déjà, par la simple lecture attentive du principe de l’unité de<br />

composition, on remarque que ce sont les parties organiques qui sont les véritables objets sur<br />

lesquels il s’applique. Dès lors la question se précise de savoir ce que sont ces parties<br />

organiques.<br />

Dans l’histoire naturelle, deux « parties » de l’organisme ont été particulièrement<br />

l’objet de comparaison : les formes et les fonctions. Or, pour E. Geoffroy Saint-Hilaire, ni les<br />

unes ni les autres ne peuvent légitimement asseoir le principe de l’unité de composition. En<br />

effet, les formes ne peuvent être comparées entre elles dans le but de dégager ce qu’il y a de<br />

constant et de commun à tous les animaux, car elles varient dans le volume selon « l’influence<br />

des milieux » 4 . Aussi rechercher le constant dans les formes uniquement, c’est « tomber dans<br />

l’antilogie » 5 . Mais on ne peut pas plus le faire en regardant les fonctions : elles varient tout<br />

autant selon les milieux, et un même organe, modifié dans sa forme, peut avoir dans deux<br />

organismes différents des fonctions différentes. Mieux, un même organe identique dans sa<br />

forme dans deux êtres vivants distincts peut encore avoir une fonction différente. Parce qu’il<br />

compréhension de ce principe. Cf. Goulven Laurent, « Le cheminement d’Etienne Geoffroy Saint-Hilaire (1772-<br />

1844) vers un transformisme scientifique », Revue d’histoire des sciences, 1977, vol. 30, n°1, pp. 43-70.<br />

1 E. Geoffroy Saint-Hilaire, Principes de philosophie zoologiques dans Hervé le Guyader, Geoffroy Saint-<br />

Hilaire. Un naturaliste visionnaire, Paris, Belin, 1998, p. 173.<br />

2<br />

E. Geoffroy Saint-Hilaire, Philosophie anatomique. Des monstruosités humaines, op. cit., discours<br />

préliminaire, pp. XIX-XX. Plus loin dans l’ouvrage, l’auteur retrouve une formulation similaire : « Il était réservé<br />

à la science qui s’occupe de spécialités au sujet des animaux, d’y ramener plus tard [de ramener la science de<br />

l’organisation sur la voie de l’unité de composition], en montrant que toutes les formes se nuancent à l’infini, et<br />

en portant par la multiplicité de ses faits, avec rigueur et certitude, sur l’idée qu’il n’y a fondamentalement<br />

qu’une seule organisation et, pour ainsi dire, un seul animal plus ou moins modifié dans toutes ses parties », p.<br />

328.<br />

3 « La zoologie, qui compose son trésor de la connaissance des formes diversifiées sous lesquelles la vie se<br />

reproduit, n’existe véritablement que par des études comparatives. Elle est donc nécessairement comparée,<br />

comme l’anatomie ne doit et ne peut jamais cesser de l’être, à moins que l’anatomie ne s’en tienne qu’à un seul<br />

caractère, à n’être qu’une topographie organique », ibid., discours préliminaire, p. XXIII.<br />

4 Principes de philosophie zoologique, op. cit., p. 189.<br />

5 Ibid., p. 177.

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