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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

d’autres en maintenant une homogénéité de nature. Généraliser un fait n’aboutit pas alors<br />

nécessairement à la détermination de sa cause, car celle-ci est peut-être capable de produire de<br />

tout autres faits de nature bien différente, si bien qu’elle est, en sa nature même, bien<br />

différente des faits qu’elle produit. Autrement dit, la cause n’est pas toujours homogène avec<br />

les effets qu’elle produit 1 , et c’est pourquoi il s’agit d’opérer un saut dans le raisonnement<br />

pour atteindre la cause ou l’effet, même s’il est vrai que ce saut, sans nul doute, est moins<br />

périlleux lorsqu’il consiste à descendre de la cause à l’effet, car il s’agit d’aller d’un plus vers<br />

un moins. Ce que Geoffroy Saint-Hilaire essaie de préciser avec l’idée d’induction, c’est bien<br />

l’ordre de la découverte scientifique.<br />

Deuxièmement, s’il peut employer un concept large de l’induction, c’est que<br />

l’opération de deviner comme celle de déduire relève au final d’un même geste. Si déduire est<br />

expliciter les conséquences contenues dans les prémisses, alors c’est les rendre visible pour la<br />

raison. Remonter des effets aux causes, c’est aussi tenter de figurer dans l’élément de la<br />

visibilité ce qui se joue dans l’invisibilité de la nature, à savoir dans la profondeur des corps.<br />

Nous avons là deux opérations de la raison qui font passer de l’invisible au visible. Mais il est<br />

vrai que l’induction des causes à partir des effets prend à rebrousse-poil le mouvement naturel<br />

de la nature, puisque celui-ci va des causes aux effets. Ainsi l’ordre de la découverte<br />

n’épouse-t-il pas l’ordre de la nature : ce qui est premier dans l’un est dernier dans l’autre –<br />

c’est ce qui rend la recherche des causes si difficile dans les sciences et ce qui contraint les<br />

raisonnements scientifiques à produire des résultats et non de simples conséquences à partir<br />

des faits donnés.<br />

Le nœud de la tératologie et de l’embryogenèse<br />

Un autre obstacle épistémologique fort pour la tératologie est sa dépendance, dans la<br />

recherche étiologique des monstruosités, de la connaissance des lois embryogéniques. En<br />

effet, si les monstres sont compris essentiellement comme des arrêts de formation ou de<br />

développement, il est clair que l’explication de leur forme et de leur constitution doit renvoyer<br />

à l’action des lois embryogéniques qui vont continuer à agir sur la « matière vivante »<br />

modifiée par l’arrêt de formation ou de développement.<br />

De plus, et pour ce qui concerne en particulier la tératologie, l’état présent de nos<br />

connaissances embryogéniques oppose de très-graves obstacles à la découverte des causes.<br />

Les anomalies résultent d’inégalités ou de circonstances insolites dans la formation et le<br />

développement des organes. Si les lois tératologiques dérivent des lois embryogéniques, et<br />

c’est ce dont nous ne pouvons désormais douter, il est trop évident que la découverte des<br />

causes des formations et des développements anomaux est en très-grande partie subordonnée à<br />

la connaissance des causes des formations et des développements normaux. 2<br />

1 Cf. Georges Canguilhem et coll., Du développement à l’évolution au XIX e siècle , , op. cit., p. 35, où les auteurs<br />

voient dans ce point la tentative de dégager l’idée de la causalité de toute prégnance de la logique de la<br />

préexistence.<br />

2 Traité de tératologie, III, pp. 472-473.

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