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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

comme on le verra, qu’une telle supposition vienne à se réaliser), toutes les races ainsi formées<br />

seraient exactement, l’une par rapport à l’autre, ce que sont entre elles les espèces<br />

zoologiques. 1<br />

Qu’une monstruosité puisse donner lieu à une race qui équivaut de fait à une espèce,<br />

cela est bien ici envisagé par Geoffroy Saint-Hilaire, et, semble-t-il, d’après la teneur de la<br />

parenthèse, comme une possibilité physique. Si la catégorie de l’espèce est conservée, c’est<br />

donc avant tout par prudence, parce qu’on ne sait pas totalement ce que peut la nature : elle a<br />

donc sa nécessité au regard de la diversité individuelle des formes vivantes. La classification<br />

tératologique ramasse l’ensemble des êtres existants ou ayant existé, mais tient également<br />

compte de ce qui est possible. La catégorie taxinomique de l’espèce représente dans la<br />

classification l’ordre du possible. Et ce possible, c’est exactement le transformisme comme<br />

nous l’avons vu 2 .<br />

A partir de ce positionnement du genre et de l’espèce, les autres catégories vont<br />

pouvoir être définies, qui ne sont que des englobements successifs. On remarque ainsi que<br />

l’espèce sert de base, ou de principe, en rapport duquel les autres catégories se positionnent. Il<br />

convient à ce niveau de ne pas déroger à l’usage, et les catégories de famille, tribu, ordre et<br />

classe ont, en tératologie, les mêmes relations entre elles qu’en zoologie, à savoir que la classe<br />

englobe l’ordre, qui regroupe les tribus qui elles-mêmes contiennent les familles, au sein<br />

desquelles nous allons trouver les genres.<br />

Le sens du mot espèce étant fixé en tératologie, celui du mot genre est donné<br />

immédiatement ; et par la suite se trouve déterminée la valeur de tous les autres groupes qui se<br />

succèderont dans l’ordre suivant, réglé par l’usage, arbitre souverain en pareille matière :<br />

famille, tribu, ordre et classe. 3<br />

Mais une autre objection contre la classification tératologique pointe son nez dès lors<br />

que l’on use de la catégorie de l’espèce. En effet, pourquoi classer les monstres en espèces,<br />

1 Ibid., I, p. 125.<br />

2 Cf. supra chap. II, pp. 129-132, p. 136 ; chap. III, p. 177 sq. P. Ancet donne une autre lecture interprétative de la<br />

notion d’espèce en tératologie, qui nous paraît aussi des plus convaincantes – mais, tandis que nous mettons<br />

l’accent sur l’ouverture possible au transformisme des principes de la philosophie anatomiques d’Etienne<br />

Geoffroy Saint-Hilaire pour comprendre l’idée d’espèce, il met plutôt l’accent sur leur aspect « structural » : «<br />

C’est précisément pour souligner l’importance déterminante de la diversité individuelle de formes et de<br />

combinaisons d’organes qu’il y a dans la tératologie des Geoffroy Saint-Hilaire autant d’espèces que d’individus.<br />

Le terme d’espèce est alors entièrement coupé de la référence à la reproductibilité, il ne désigne plus un<br />

ensemble d’individus possédant des caractères communs. L’espèce n’est même pas à comprendre dans son sens<br />

logique relativement au genre, puisqu’elle n’est plus un regroupement (le singleton a la même valeur qu’un<br />

ensemble à n éléments). Il est possible de parler d’une espèce au sens très précis que donne à ce terme l’anatomie<br />

transcendante, c’est-à-dire un mode d’expression original de l’organisation animale, absolument indépendante du<br />

nombre de ses représentants. Chaque espèce est une conformation originale, qu’elle soit unique ou très répandue,<br />

exprime cet être abstrait partout présent mais nulle part visible qu’est l’Animalité. Par conséquent, il n’y a plus<br />

de différence entre une espèce à un représentant unique et une espèce comprenant des millions d’individus. Ce<br />

n’est pas la quantité d’individus, mais l’expression à nulle autre pareille de l’organisation du vivant qui est pris<br />

en compte. Il n’y aura donc pas d’espèces comme groupes, mais des individus-espèces en tératologie, le genre<br />

formant le premier regroupement possible. L’espèce est davantage une particularisation du type commun qu’est<br />

l’Animalité qu’elle n’est un regroupement de cas particuliers », La perception contemporaine du monstre<br />

humain. Représentations communes et scientifiques à l’époque de la tératologie positive, thèse, dir. J. Gayon,<br />

Université de Bourgogne, 2002, vol. 1, p. 391.<br />

3 Traité de tératologie, I, p. 126.

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