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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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se contente de mettre en rapport la nature avec elle-même, qui est à la fois le comparé et le<br />

comparant 1 .<br />

tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

Un système de la nature ou une vue de la nature ?<br />

Cherchant les effets généraux de la nature, c’est-à-dire du point de vue de l’homme les<br />

causes, il est clair que Buffon désire aboutir à une vue systématique de la nature, qui<br />

ambitionne bien d’expliquer la totalité du réel. En effet, si l’idée de totalité trouve son<br />

expression rationnelle la plus adéquate dans un système, c’est parce qu’elle est ordonnée. Dès<br />

lors, l’exigence de système, pour Buffon, découle de la nécessaire prise en compte du tout de<br />

la nature : l’ordonnancement des choses oblige un ordonnancement des idées :<br />

Il est aisé de sentir que nous ne connaissons rien que par comparaison, et que nous ne<br />

pouvons juger des choses et de leurs rapports qu’après avoir fait une ordonnance de ces<br />

mêmes rapports, c'est-à-dire un système.<br />

[Certains] écrivains n’ont d’autre mérite que de crier contre les systèmes parce qu’ils sont<br />

non seulement incapables d’en faire, mais peut-être même d’entendre la vraie signification de<br />

ce mot qui les épouvante ou les humilie. Cependant, tout système n’est qu’une combinaison<br />

raisonnée, une ordonnance des choses ou des idées qui les représentent, et c’est le génie seul<br />

qui peut faire cette ordonnance, c’est-à-dire un système en tout genre, parce que c’est au génie<br />

seul qu’il appartient de généraliser les idées particulières. 2<br />

Si système il y a au final, c’est parce que la pensée repose sur la comparaison. Or la<br />

voie de la comparaison n’entraîne pas à une construction logique purement abstraite,<br />

puisqu’elle prend appui sur les faits particuliers. Buffon reproche ainsi à ceux qui critiquent<br />

les systèmes d’en avoir une vision étriquée, laquelle confine le système à n’être qu’un mode<br />

d’organisation des idées, qui satisfait la raison. Ainsi de la définition du terme par<br />

l’Encyclopédie :<br />

Disposition des différentes parties d’un art ou d’une science, dans un état où elles se<br />

soutiennent toutes mutuellement, et où les dernières s’expliquent par les premières. Celles qui<br />

rendent raison des autres s’appellent principes et le système est d’autant plus parfait que les<br />

principes sont en plus petit nombre ; il est même à souhaiter qu’on le réduise à un seul. Car de<br />

même que dans une horloge il y a un principal ressort duquel tous les autres dépendent, il y a<br />

aussi dans tous les systèmes un premier principe auquel sont subordonnées les différentes<br />

parties qui le composent. 3<br />

Au contraire, le système, pour Buffon, renvoie moins à une construction logique<br />

effectuée par la raison qu’à une vue d’ensemble de la nature, qui dispose les faits en un<br />

tableau le plus harmonieux possible. Cette notion de vue a l’avantage de faire la synthèse<br />

entre l’exigence de l’observation et de l’expérience et celle de l’ordonnancement. Plus<br />

précisément, elle s’assure que l’ordonnancement des idées obtenues par voie de comparaison<br />

1 « Nous pouvons comparer la Nature avec elle-même », HN, Premier discours : De la manière, p. 58 ; la même<br />

expression revient dans HN, Des époques de la nature, p. 1195. Cf. aussi HN, Des Animaux carnassiers, p. 759 :<br />

« comparant toujours la Nature avec elle-même, nous l’avons considérée dans ses rapports, dans ses opposés,<br />

dans ses extrêmes ».<br />

2 IR, Histoire naturelle des minéraux, II, Du fer, p. 344 et p. 346.<br />

3 Article « Système », Encyclopédie, ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Neufchâtel,<br />

Chez Samuel Faulche & Compagnie, 1765, t. 15, p. 777.

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