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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

pourrait faire le plus parfait des systèmes tératologiques » 1 . La classification de Breschet peutelle<br />

prétendre être le plus parfait des systèmes ? En tant que système, elle n’est guère<br />

utilisable, car elle n’est pas pratique du tout, et cela faute d’utiliser des noms pertinents. Quel<br />

est le rôle du nom dans une classification ? Nous reviendrons sur cette question, mais d’ores<br />

et déjà nous pouvons dire que c’est chercher par lui à exprimer « tous les caractères<br />

essentiels » 2 de l’être qu’il nomme et concentrer en lui toute une définition. Or le défaut de la<br />

nomination dans le système de Breschet, c’est que, dans la grande majorité des cas, le nom ne<br />

permet pas d’identifier à sa lecture l’anomalie, ou alors il faut un nom extrêmement<br />

compliqué qui vient plus encombrer la mémoire que l’aider.<br />

Mais il est absolument impossible d’obtenir le même succès pour la plupart des<br />

monstruosités, et même pour un grand nombre de vices de conformation ; car, dans ce cas, ou<br />

le nom serait insuffisant pour caractériser l’anomalie, ou bien il deviendrait d’une longueur<br />

telle qu’il serait presque impossible de le retenir. La nomenclature de M. Breschet nous fournit<br />

des exemples de ces deux cas. Comment en effet retenir des mots tels que diastematostaphylie,<br />

diastématélytrie, hypodiastématocautie ? Et, d’un autre côté, quelle est la monstruosité dont<br />

les caractères essentiels se trouvent exprimés par les mots symphysopsie, diplothoraxie, etc.,<br />

mots qui, évidemment, sont applicables en commun à plusieurs cas très différents ? 3<br />

Toutes les classifications antérieures à celle que cherche à établir Geoffroy Saint-<br />

Hilaire se ramènent à être des systèmes plus ou moins insatisfaisants. Elles ont surtout voulu<br />

établir « des groupes de l’ordre le plus élevé, et ont plus ou moins négligé ceux d’un ordre<br />

inférieur, et principalement les genres » 4 . C’est ce qui explique le manque de caractérisation<br />

des anomalies et la difficulté d’identifier dans ces systèmes leur nature propre. Mais c’est<br />

qu’au fond l’objectif de ces nomenclatures n’est pas tant de déceler des groupes naturels<br />

d’anomalies que de mettre de l’ordre dans un matériel tératologique qui grossit au fur et à<br />

mesure des découvertes et des observations. Il s’agit moins d’une classification que d’un<br />

rangement régulier qui permet de retrouver un fait plus facilement « au milieu de tous ceux<br />

que possède la science » 5 – il est plutôt question d’ordonner et de ranger un cabinet naturel<br />

des anomalies. L’acte de classifier dépasse donc ici le simple cadre d’une connaissance<br />

scientifique et est tout autant un acte social : donner des règles de classification, c’est donner<br />

des règles à tout le corps collectif des savants et des collectionneurs et l’organiser en une sorte<br />

1 Ibid., I, p. 102.<br />

2 Ibid., I, p. 93.<br />

3 Ibid., I, pp. 93-94.<br />

4 Ibid., I, p. 98. Or on sait que, pour Linné, c’est la détermination du genre, encore plus que celle de l’espèce, qui<br />

importe dans le travail systématique. Sur ce point, cf. Daudin, Les méthodes de la classification et l’idée de série<br />

en botanique et en zoologie, op. cit., pp. 35-36 : « Mais cette notion de l’espèce fixe et immuable, quelles que<br />

soient sa signification et sa valeur propres, ne joue qu’un rôle secondaire dans le travail systématique de Linné.<br />

Ainsi qu’il le dit lui-même, c’est la fixité des genres qui est, chez lui, le fondement réel de la Botanique » et pp.<br />

65-66 : « Mais, plus encore peut-être que son œuvre botanique, son œuvre zoologique se distingue de celle de ses<br />

devanciers par la netteté catégorique avec laquelle elle pose, dès son point de départ, la réalité naturelle de<br />

l’espèce et, ce qui importe plus encore à la classification, la réalité naturelle du genre ».<br />

5 Ibid., I, p. 98.

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