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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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117<br />

tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

Qu’est-ce donc qu’un anencéphale ? Un être dans lequel ne s’opère pas à la région<br />

rachidienne la transformation du premier versement aqueux du liquide organogène ; un être<br />

qui conserve à toujours ses premières conditions fœtales en ce qui concerne un des produits<br />

organiques ; un être enfin chez qui ce produit entre en bourse pour y rester étranger à la vie<br />

commune.<br />

Sur ce pied l’anencéphale est monstrueux 1 : car si nous le comparons aux fœtus de même<br />

espèce étant dans l’état normal, nous voyons qu’en un point il ne parcourt pas toute l’échelle<br />

des développements possibles, comme le font ces derniers : mais il n’est pas malade, sous ce<br />

rapport que cette défectuosité ne tient point à un organe déjà formé, qui s’est vicié plus tard. 2<br />

Eh quoi ! il serait un anencéphale, un être sans cerveau, ce monstre où nous venons<br />

d’observer un cerveau simplement retardé dans l’ordre des développements, un cerveau<br />

véritablement normal au fond ! 3<br />

Cette théorie, dont nous approfondirons l’examen, est centrale en tératologie à un<br />

double titre. D’une part, elle permet d’expliquer les monstruosités sans faire appel à des<br />

causes ad hoc : les lois sont respectées, la monstruosité n’est pas un autre développement par<br />

nature différent du développement des organismes normaux et suivant des lois propres, elle<br />

est un arrêt du développement normal sur un point de l’organisme. D’autre part, cette théorie<br />

vient renforcer la théorie de l’unité de composition en soulignant que les monstres ne sont<br />

nullement faits sur un autre patron, sur un autre plan, un autre type que les êtres normaux.<br />

Autrement dit, les monstres sont des singularités mais nullement des exceptions aux lois. Mais<br />

en quel sens la théorie de l’arrêt de formation renforce-t-elle celle de l’unité de composition ?<br />

Par la théorie de l’arrêt de formation, la théorie de l’unité de composition se trouve confirmée,<br />

puisqu’elle réussit à intégrer les monstruosités dans ses principes explicatifs ; en d’autres<br />

termes, les monstres permettent de vérifier la théorie en l’asseyant sur des faits décisifs :<br />

« théories, écrit I. Geoffroy Saint-Hilaire commentant le travail de son père, qui se complètent<br />

et s’expliquent mutuellement, et dont la première sans la seconde ne serait même à jamais<br />

qu’un brillant aperçu de l’esprit, et non une vérité susceptible de démonstration » 4 .<br />

En fait, il revient à I. Geoffroy Saint-Hilaire de compléter et préciser la théorie de<br />

l’arrêt de formation, qu’il préfère par la suite nommer la théorie des inégalités de<br />

développement. Comme toujours, le changement de nom est intéressant, même s’il<br />

n’intervient pas encore dans son Traité de tératologie, quoique la chose y soit à défaut du<br />

nom. Dans cet ouvrage, il parle plutôt de théorie d’arrêt de formation ou de développement. Il<br />

de composition, I. Geoffroy Saint-Hilaire prête à son père les premières intuitions dès 1795 dans Observations<br />

sur une petite espèce de Maki : « La nature, ce sont les propres expressions de l’auteur, a formé tous les êtres<br />

vivants sur un plan unique, essentiellement le même dans son principe, mais varié de mille manières dans toutes<br />

ses parties accessoires », Vie, travaux, op. cit., p. 71.<br />

1 C’est nous qui soulignons.<br />

2 Philosophie anatomique. Des monstruosités humaines, op. cit., pp. 149-150.<br />

3 Ibid., pp. 263-264<br />

4 Essais de zoologie générale, op. cit., p. 97. E. Geoffroy Saint-Hilaire a évidemment parfaitement aperçu ce<br />

point de dépendance réciproque entre ces deux théories : « Un autre secours inespéré, qui est aussi venu<br />

également assurer ma marche, m’a été fourni par mes études sur les monstruosités. Tous les faits de variation<br />

que la série des êtres m’avait offerts, la monstruosité me les a aussi donnés dans une correspondance suivie et en<br />

quelque sorte régulière, au moyen de ses anomalies qui se répètent sous tant de formes diverses dans le cercle<br />

des développements d’une seule espèce », Principes de philosophie zoologique, op. cit., p. 218.

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