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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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158<br />

ne gage pas qu’elle puisse toutes les expliquer 1 . Geoffroy Saint-Hilaire ne nie cependant pas<br />

que la tératologie ne puisse pas procéder à des généralisations, mais parce que dans sa<br />

recherche des causes elle est confrontée aux difficultés que nous avons analysées un peu plus<br />

haut 2 , ses généralisations ne peuvent avoir le caractère absolu de celles qu’ont par exemple les<br />

lois de la nature. D’ailleurs, on se tromperait grandement si on concluait trop vite que les<br />

troubles n’interviennent qu’au cours du développement.<br />

Une généralisation aussi absolue, aussi exclusive, non seulement ne ressort point des<br />

expériences et des observations que la science possède présentement ; mais elle ne pourra<br />

ressortir de ceux mêmes que la science acquerra par la suite : elle ne serait pas seulement<br />

douteuse, mais très certainement erronée. 3<br />

tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

c) Le temps de l’accident<br />

Quand donc la perturbation intervient-elle pour donner lieu à une monstruosité ? La<br />

question semble subsidiaire, elle est en fait essentielle, car c’est de cette question que dépend<br />

une autre : quels sont les degrés de monstruosité ? Car il apparaîtra que les degrés<br />

d’organisation des monstres, c’est-à-dire leur plus ou moins grand écart par rapport au type<br />

normal, dépendent du moment où la perturbation survient. Or il n’y a aucun obstacle de<br />

principe à ce qu’elle ait lieu dès l’instant de la formation, et non plus au cours du<br />

développement 4 . Pour appuyer cette éventualité, Geoffroy Saint-Hilaire fournit deux preuves,<br />

qui posent toutes deux difficultés.<br />

La première fait intervenir l’hérédité :<br />

En premier lieu, il y a des anomalies qui datent, quant à leur cause, de l’instant même de la<br />

fécondation. L’hérédité paternelle, c’est-à-dire la transmission aux enfants des anomalies du<br />

père, en est la preuve certaine et évidente, puisque toute action du père sur le produit cesse<br />

nécessairement avec l’acte fécondateur. 5<br />

Evitons un contresens : Geoffroy Saint-Hilaire ne méconnaît nullement l’hérédité<br />

maternelle. Mais il veut montrer la possibilité, et même le fait, d’une perturbation dès la<br />

fécondation. Or prendre en considération les anomalies de la mère ne permet pas d’établir<br />

1 Aussi I. Geoffroy Saint-Hilaire ne peut souscrire à la conclusion de son père : « je crois qu’il n’est qu’une seule<br />

cause unique, générale et extérieure de monstruosités, qu’il n’existe qu’un seul mode pour faire dévier les<br />

formations organiques de l’ordre commun ; c’est quand le fœtus contracte des adhérences avec ses membranes<br />

ambiantes », Philosophie anatomique. Des monstruosités humaines, op. cit., p. 531, nous soulignons.<br />

2 Cf. supra pp. 145-146 et p.149. La position d’I. Geoffroy Saint-Hilaire face au problème de la généralisation<br />

sera abordée infra p. 164 sq.<br />

3 Traité de tératologie, III, p. 507.<br />

4 Parce que Camille Dareste fit plus que l’envisager et mit en place des protocoles expérimentaux cherchant à<br />

mettre en évidence les anomalies se produisant dès la formation, il fut l’artisan majeur au XIX ème siècle de la<br />

tératogénie. Il estime donc asseoir la théorie de l’arrêt de développement sur des bases plus solides et surtout<br />

plus générales en la faisant jouer dès la formation de l’embryon, à cette période où « la substance embryonnaire<br />

primitive, constituée entièrement par des matériaux homogènes, éprouve une série de transformations pendant<br />

lesquelles s’ébauchent peu à peu la forme générale de l’animal et la forme particulière de chaque organe ». C’est<br />

pourquoi « ces deux grands physiologistes » que sont Meckel et E. Geoffroy Saint-Hilaire, « qui n’avaient étudié<br />

les monstres qu’après leur formation, n’ont pu se rendre un compte exact de ce fait tératogénique » qu’est l’arrêt<br />

de développement (Recherches sur la production artificielle des monstruosités, op. cit., respectivement p. 189 et<br />

p.190). Sur ce point, cf. également Bernard Duhamel, « L’œuvre tératologique d’Etienne Geoffroy Saint-<br />

Hilaire », Revue d’histoire des sciences, 1972, vol. 25, n°4, p. 342.<br />

5 Traité de tératologie, III, p. 507.

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