28.02.2014 Views

LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

115<br />

tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

des questions complexes en le mettant dans le contexte le plus embarrassant qui soit : devant<br />

les monstruosités, ces organisations les plus aventureuses.<br />

La différence fondamentale entre les uns et les autres est celle-ci : dans les ouvrages de<br />

Bélon, de Newton, de Buffon et des autres auteurs du dix-huitième siècle plus haut cités, on<br />

voit l’idée de l’unité de composition pressentie ou proclamée par ces grands hommes, et leur<br />

inspirant les belles pages que l’on vient de lire ; mais une fois ces pages écrites et livrées à<br />

l’admiration de la postérité seule (car les contemporains ne les comprennent pas), ils<br />

s’arrêtent, et la sublime vérité qui avait un moment jeté de si vives lueurs dans leur<br />

intelligence, semble bientôt oubliée d’eux-mêmes. (…) Il [E. Geoffroy Saint-Hilaire] aborde la<br />

démonstration scientifique de ce qui, jusque-là, n’avait été chez lui, comme chez ses<br />

prédécesseurs, qu’un pressentiment, une conviction personnelle et intime. 1<br />

Cependant, faire reposer l’unité de composition organique sur le principe des<br />

connexions, seul principe assurant une base objective à la comparaison entre les anatomies<br />

animales, est donner une vue incomplète du système d’E. Geoffroy Saint-Hilaire. En effet, si<br />

les organes entretiennent des rapports nécessaires et invariables avec d’autres, si leurs parties<br />

ne s’agencent que dans des rapports particuliers et précis quels que soient les organismes<br />

vivants dans lesquels ils se trouvent, la question est de savoir quelles sont les raisons de tels<br />

rapports. Pourquoi cet agencement et pas un autre, pourquoi cette unité de composition et pas<br />

une autre ? Bref, si nous reprenons l’exemple du collier de perles, qu’est-ce qui explique la<br />

présence du fil qui ordonne les perles ? C’est une question fondamentale, puisqu’elle revient à<br />

vouloir rendre raison de la régularité et de la stabilité au sein de la nature. Il semblerait que<br />

cette régularité et cette stabilité aient pour fin, chez les êtres vivants, leur adaptation au<br />

milieu, de sorte que l’ordre de la nature se traduit par leur parfaite adaptation. Or, cela<br />

suppose de leur part qu’ils soient capables d’accomplir des fonctions adéquates. Aussi<br />

comprendre l’ordre de la nature exige-t-il de mettre l’accent sur les fonctions propres aux<br />

organismes vivants, bref d’adopter un point de vue fonctionnaliste. Mais ce n’est pas le point<br />

de vue d’E. Geoffroy Saint-Hilaire qui maintient un point de vue structuraliste. Néanmoins il<br />

doit bien rendre compte, non pas seulement de l’organisation de l’organisme, de son<br />

agencement, mais de sa composition, du processus par lequel il s’agence. C’est pourquoi il<br />

complète sa théorie des analogues par deux autres principes. Le premier est celui de l’affinité<br />

élective des éléments organiques : ils se regroupent selon « une convenance réciproque » 2 . Ce<br />

principe permet notamment de rendre compte des organes rudimentaires qui ne remplissent<br />

aucune fonction dans l’organisme.<br />

Au défaut d’un organe, on retrouve souvent les éléments réduits à l’état rudimentaire, et<br />

diversement groupés selon leurs affinités électives. En d’autres termes, les matériaux des<br />

organes survivent en quelque sorte aux organes eux-mêmes, et, où ceux-ci cessent d’exister,<br />

l’analogie ne cesse pas encore. 3<br />

1 I. Geoffroy Saint-Hilaire, Essais de zoologie générale, ou mémoires et notices sur la zoologie générale,<br />

l’anthropologie et l’histoire de la science, Paris, A la librairie encyclopédique de Roret, 1841, pp. 85-86, noté<br />

ultérieurement Essais de zoologie générale.<br />

2<br />

E. Geoffroy Saint-Hilaire, Philosophie anatomique. Des monstruosités humaines, op. cit., discours<br />

préliminaire, p. XXXIII.<br />

3 I. Geoffroy Saint-Hilaire, Vie, travaux, op. cit., p. 214.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!