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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

« la persistance dans un organe de ses conditions primitives de structure et sa dégénérescence<br />

maladive, sa fissure par non-réunion et sa déchirure violente, sa non formation et sa<br />

disparition accidentelle » 1 il n’y a aucune différence quant à « l’influence fâcheuse qu’elles<br />

exercent sur l’organisation » 2 . Dès lors que l’anomalie et la pathologie ont les mêmes effets<br />

sur l’organisme, la médecine va les traiter semblablement comme ce sur quoi doit s’exercer<br />

l’art médical en vue de la guérison. Ainsi si l’on confond anomalie et pathologie, c’est parce<br />

que l’on se place sous le point de vue de la pratique médicale.<br />

Or, sous le point de vue pratique, les anomalies sont de deux genres. Les unes, et ce sont les<br />

plus nombreuses, ne rendent point nécessaires les secours de la médecine ou de la chirurgie,<br />

soit que, très-peu importantes, elles soient sans influence sur les fonctions vitales, soit au<br />

contraire que trop graves elles excluent complètement la viabilité. D’autres, au contraire, plus<br />

ou moins nuisibles aux êtres qui les présentent, ou même, si elles sont abandonnées à ellesmêmes,<br />

nécessairement mortelles, sont susceptibles d’une guérison complète ou au moins<br />

d’une amélioration. Les premières sont pour les praticiens presque comme si elles n’existaient<br />

pas : aussi en a-t-on souvent fait abstraction, ou ne les a-t-on mentionnées qu’accessoirement<br />

et seulement pour mémoire, à la suite des secondes, les seules dont la connaissance importe<br />

directement à la pratique. Pour les praticiens et pour tous les auteurs qui ont pris le même<br />

point de départ, la science s’est ainsi trouvée par le fait réduite à la connaissance d’anomalies<br />

équivalentes à de véritables maladies par l’influence fâcheuse qu’elles exercent sur<br />

l’organisation, comme aussi par la nature des ressources dont l’art peut disposer contre elles ;<br />

d’où la réunion toute naturelle de la tératologie à l’anatomie pathologique. 3<br />

Mais si, pour l’art médical, les écarts anomaux et pathologiques se ramènent à un<br />

même type qui est la désorganisation vitale laissant la possibilité d’une intervention de la<br />

main chirurgicale pour rétablir l’ordre organique, cela exclut de fait deux types d’anomalie,<br />

pour ainsi dire l’un par défaut, l’autre par excès. En effet, l’art médical ne compte pour rien<br />

l’anomalie peu importante qui n’induit finalement aucun désordre organique, et se<br />

désintéresse de celle qui, au contraire, trop grave, implique une mort immédiate, y voyant<br />

comme une sorte de fatalité face à laquelle l’art médical n’a qu’à s’incliner. Or d’un point de<br />

vue théorique cette fois, ces deux sortes d’anomalie doivent entrer en ligne de compte. La<br />

question n’est alors plus de se demander comment on peut guérir d’une anomalie, mais ce que<br />

toutes les anomalies, dans leurs degrés divers de gravité, nous révèlent du processus de<br />

formation de l’organisation. En d’autres termes, le praticien se porte vers les équilibres d’un<br />

organisme déjà constitué, tandis que le théoricien se penche sur l’organisme en train de se<br />

constituer en tant qu’organisme ; le premier cherche les causes pouvant entraîner le<br />

déséquilibre et les moyens de le rétablir, le second tente de lire dans les ratages du processus<br />

d’organisation les causes produisant l’organisation. C’est pourquoi, immanquablement, les<br />

écarts faisant sens pour l’un et pour l’autre ne sont pas les mêmes par nature.<br />

Deux exemples feront comprendre comment une anomalie et une pathologie peuvent<br />

avoir des effets similaires et cependant être bel et bien de nature différente. Le premier<br />

exemple est celui des nains.<br />

1 Traité de tératologie, III, p. 443.<br />

2 Ibid., III, p. 445.<br />

3 Ibid., III, pp. 444-445 ; nous soulignons.

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