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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

Nous avons annoncé aussi que notre conception de la vie conduisait également à<br />

refuser le dépassement du vivant par le haut. Il faut comprendre pourquoi. Avec une<br />

remarquable cohérence, R. Barbaras prend en charge le problème bergsonien de l’apparition<br />

de la conscience et de la pensée au sein de la vie – cette apparition n’est pas due au rajout<br />

d’une qualité positive au vivant qu’est l’homme, mais bien à une limitation de la vie en<br />

l’homme par quoi la conscience et la pensée apparaissent, et dont le sens d’être est saisi<br />

comme désir. Par la présence de la conscience, l’homme en tant que sujet reprend à son<br />

compte la vie de la manifestation du monde, sous la forme de la séparation (donation de<br />

l’objet) et du désir. C’est pourquoi il n’est pas un simple animal. R. Barbaras nomme le<br />

mouvement par lequel la vie s’auto-limite l’archi-événement 1 . Pour notre part, si le monstre<br />

nous donne accès à la singularité vivante comme événement, il ne peut être question d’archiévénement,<br />

qui est compris comme une inflexion, ou une dérive de l’archi-mouvement (de la<br />

vie). En effet, la présence du monstre ne doit pas être comprise comme une dérive de la vie,<br />

mais plutôt comme la manifestation de la vie comme dérive, comme errance vitale. Aucun<br />

vivant donc, y compris l’homme, ne peut être considéré comme une scission au sein de la vie.<br />

Tous sont des événements de la vie, des singularités en cela qu’ils s’enracinent dans l’errance<br />

vitale. Si la vie, dans les vivants, s’atténue et se limite, si elle est, en eux, de moindre intensité<br />

de vitesse, cela ne va pas jusqu’à la séparation en un vivant sous la forme de la conscience.<br />

* * *<br />

Chercher à répondre à la question de savoir comment le monstre est possible conduit à<br />

envisager le sens d’être de la vie comme errance vitale, autrement dit comme le<br />

transcendantal de tout écart produit par les êtres vivants – transcendantal que nous avons alors<br />

nommé l’écart-en-tant-que-tel. Aborder la vie par la production des monstres offre l’avantage<br />

de suspendre toute approche fondée sur l’idée d’adaptation, bref de dégager la vie de toute<br />

logique de la survie. Il n’est évidemment pas question de contester le fait empirique que, du<br />

moment que les espèces sont viables, elles sont adaptées, mais de contester que ce fait soit la<br />

ratio essendi de la vie. En son mouvement créateur, celle-ci déborde absolument toute visée<br />

adaptative. Elle est, de ce point de vue, dépense, perte, part maudite car jamais thésaurisée.<br />

L’inconvénient, cependant, de cette approche de la vie par ce qui peut sembler être ses ratés,<br />

est de mettre en évidence une idée de la vie (comme errance vitale) difficilement compatible<br />

avec la vie des êtres vivants, qui poursuivent la reproduction du semblable, qui cherchent à<br />

1 « Cette séparation, qui n’est autre au fond que l’acte de naissance du sujet, est comme une inflexion ou une<br />

dérive au sein de l’archi-mouvement, comme un mouvement qui affecte son mouvement. Or qu’est-ce qu’un<br />

mouvement au sein du mouvement sinon un événement ? Ainsi, la scission dont procède le désir du sujet (le sujet<br />

comme désir) renvoie à un archi-événement qui affecte l’archi-mouvement lui-même : archi-événement d’une<br />

séparation au cœur du mouvement phénoménalisant, par laquelle le mouvement vient s’exiler dans un seul étant<br />

et aspire alors à retrouver son origine. La subjectivité est l’événement d’une perte et son existence prend la forme<br />

d’une aspiration », ibid., pp. 156-157.

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