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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

fait qu’ils sont des étants, qu’ils sont. Or ils ne peuvent être étants que parce qu’ils sont de<br />

l’être, ou encore que parce qu’ils participent de l’être qui les fait être précisément des étants.<br />

S’ils sont parce qu’ils appartiennent à l’être, on peut faire remonter la question à l’être luimême<br />

: quel est-il pour ainsi faire être des étants, pour ainsi offrir le pouvoir d’être, bref quel<br />

est-il en et pour lui-même indépendamment des étants ? Qu’est donc l’être en tant qu’être dès<br />

lors que l’on s’élève au-dessus ou au-delà des particularités des étants pour ne regarder que ce<br />

qui les fait être ? Loin d’être un truisme, l’affirmation selon laquelle les étants sont dévoile la<br />

question ontologique de l’être en tant qu’être. Ne peut-on pas, de même, déceler derrière le<br />

truisme selon lequel les vivants sont en vie la question de la vie en tant que vie ?<br />

Notre hypothèse est que cette question ne peut se dégager, ne peut être dévoilée<br />

comme la question fondamentale posée par tout vivant, que par l’intermédiaire d’un vivant<br />

particulier : le monstre. Ainsi la particularité du monstre est-elle des plus singulières en<br />

comparaison de la particularité que manifestent les autres vivants. Car si ceux-ci sont vivants<br />

en tant qu’ils affirment la vie, il n’en est pas moins vrai qu’ils affirment avant tout leur vie.<br />

Or, tout se passe comme si le monstre, par l’impossibilité (ou sa plus grande difficulté)<br />

d’affirmer sa vie, affirmait le fait nu de la vie. Sans nier que la vie appartienne aux vivants,<br />

sans refuser l’évidence que la vie est celle des vivants, le monstre conduit à entrevoir que les<br />

vivants appartiennent aussi à la vie. S’ils ont la vie, c’est donc qu’ils sont de la vie, sans pour<br />

autant être la vie. La particularité du monstre par rapport aux autres vivants est de s’élever à la<br />

question de la vie en tant que vie.<br />

Pourtant, ce n’est pas cette question qui y est d’abord lue. La tératologie comme<br />

science comprend la question adressée par le monstre comme celle de la composition, de<br />

l’organisation et de la genèse de l’être vivant dès lors qu’elle met en évidence en lui l’enjeu<br />

du temps. La révolution tératologique, toutefois, consiste bien à accorder au monstre un<br />

pouvoir dévoilant, mais en tant qu’il s’identifie à une expérimentation, d’abord de la nature<br />

elle-même, ensuite des tératologues s’autorisant de ce que la nature accomplit. Le monstre<br />

devient un vivant privilégié, puisqu’il permet d’éclairer (et non, comme on pourrait le croire<br />

en voyant parfois ses formes aberrantes, d’obscurcir) comment un vivant fonctionne, c’est-àdire<br />

quel est le sens d’être de l’organisme. Le monstre pose donc, non la question de la vie,<br />

mais celle de l’organisme : il dit ce qu’il en est de l’être vivant en tant qu’il est un organisme.<br />

Au final, c’est chercher à déterminer la frontière séparant le vivant de l’inerte, c’est ainsi<br />

penser le vivant, non dans la positivité même de sa vie, mais dans sa différence avec l’inerte.<br />

Avec la tératologie, nous nous accordons pour dire que le monstre accomplit peut-être l’une<br />

des plus grandes simplifications permettant de pénétrer et saisir la logique du vivant 1 ; mais<br />

1 Le regard clinique du tératologue décèle en effet dans l’organisme monstrueux une simplification de la<br />

question de l’organisation de l’organisme, dans la mesure où, loin d’être indéchiffrable, celui-ci présente un<br />

développement partiel de cette organisation : car il porte en certains de ses traits la trace d’arrêts, qui donne alors<br />

à la pensée biologique l’opportunité de tenir fixe ce qui se donne comme une formation, un processus, un<br />

devenir. E. Wolff considérera de même les monstruosités comme des témoignages d’un passé embryonnaire dont

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