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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

nous nous séparons d’elle en ne pensant pas que la logique mise au jour soit essentiellement<br />

celle de l’organisme ; ce qui se dévoile, c’est une question : non plus celle de la distinction<br />

entre le vivant et le non vivant, mais celle de la manière dont l’être vivant affirme la vie, dont<br />

il dit la vie. Comment les vivants sont dits vivre, à savoir : qu’est-ce que la vie en tant que<br />

vie ? Dès lors, nous sommes en mesure de préciser exactement quelle est la particularité<br />

singulière du monstre en comparaison de celle des autres vivants : c’est qu’en permettant à la<br />

pensée philosophique de dégager la question de l’être de la vie, il n’est pas un fait parmi les<br />

autres faits, mais un fait métaphysique 1 .<br />

Le monstre nous fait entrer dans une ontologie de la vie où il ne suffit pas de dire que<br />

les vivants sont en vie pour être quitte de la vie. Son intérêt philosophique est, en somme, de<br />

forcer la pensée à ne plus se contenter d’un usage métaphorique de la vie et à déterminer<br />

celle-ci en son essence. Or, nous avons cherché à montrer que si nous prenions au sérieux le<br />

fait du monstre, nous aboutissons à une détermination de la vie comme errance vitale, comme<br />

ce par quoi se fait tout écart possible. Il importe de ne faire aucun contresens sur l’expression<br />

« errance vitale ». Elle ne qualifie pas un type d’errance qui serait dit « vital » ; au contraire<br />

elle qualifie ce qu’il en est de la vie en sa vitalité : penser la vitalité de la vie, c’est postuler<br />

une errance, c’est-à-dire une pure indétermination. Par « pure », nous voulons indiquer que<br />

l’indétermination ne désigne nullement l’absence de toute détermination, mais la<br />

détermination de la vie comme indétermination. Ainsi précisée, l’idée de la vie comme<br />

errance vitale conduit à deux conséquences d’importance.<br />

Vie et transcendance<br />

Elle interdit d’abord tout usage de la transcendance, soit que la vie renvoie à une<br />

transcendance, soit qu’elle soit elle-même transcendante. La vie ne peut renvoyer à une<br />

transcendance qui viendrait la déterminer de l’extérieur et lui donner le sens de son être en<br />

l’orientant en conséquence, puisque, en elle-même, elle échappe à toute détermination<br />

extérieure. On le comprend aisément : une vie dictée et guidée de l’extérieur, imposée à un<br />

vivant, n’est précisément pas sa vie, et n’est donc même pas une vie. Comprendre la vie<br />

comme indétermination, c’est reconnaître que seule la vie se détermine comme<br />

indétermination et se donne à travers une errance vitale. La vie n’étant pas ouverte à et sur<br />

une transcendance, la pensée de la vie ne peut se déployer qu’en tant que cette pensée est ellemême<br />

une activité vitale, est elle-même un déploiement de la vie – et non pas renvoyée vers<br />

une instance autre, étrangère et transcendante à la vie. La difficulté de cette nécessaire coappartenance<br />

de la vie et de la pensée est que, tout en étant une activité vitale, la pensée ne<br />

l’adulte ne porte plus trace, comme « des pièces macroscopiques d’embryologie », « La genèse des monstres »,<br />

Biologie. Encyclopédie de la Pléiade, t. 11, 1965, p. 571.<br />

1 Il est à remarquer le parallèle de la question de la vie dévoilée par le monstre avec celle de l’être : dans les deux<br />

cas, il s’agit de saisir ce qu’il en est de la vie et de l’être en deçà de ceux-là même qui sont dits vivants ou étants.<br />

Ce parallèle induit un type de problème qui restera ici largement en suspens, mais que nous aimerions néanmoins<br />

signaler : quel rapport y a-t-il entre l’être et la vie, s’il est vrai que l’un et l’autre se saisissent en deçà de leurs<br />

concrétions ?

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