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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

premières définitivement inaccessibles à notre entendement). Ainsi, nous aboutissons à ce<br />

paradoxe selon lequel la méthode de la comparaison définit une nouvelle question à laquelle<br />

elle paraît, d’après ses propres réquisits, incapable d’apporter la moindre réponse !<br />

Comment sortir de cette difficulté si nous ne voulons pas taxer Buffon<br />

d’inconséquence ? Remarquons qu’un effet est dit général lorsqu’il se répète constamment.<br />

La généralité que met au jour Buffon est une forme de nécessité dans les rapports entre les<br />

faits. Ainsi tout fait particulier qui se rapporte à un effet général, tel qu’il en découle ou y<br />

participe, se trouve par là même expliqué et éclairé. Ne faut-il pas conclure alors que, pour<br />

nous qui avons une puissance de connaître limitée, et surtout qui ne pouvons nous appuyer<br />

que sur des observations enregistrées par nos sens, cette généralité de l’effet a le statut de<br />

cause ?<br />

Mais lorsque après avoir bien constaté les faits par des observations réitérées, lorsque après<br />

avoir établi de nouvelles vérités par des expériences exactes, nous voulons chercher les raisons<br />

de ces mêmes faits, les causes de ces effets, nous nous trouvons arrêtés tout d’un coup, réduits<br />

à tâcher de déduire les effets, d’effets plus généraux, et obligés d’avouer que les causes nous<br />

sont et nous serons perpétuellement inconnues, parc que nos sens étant eux-mêmes les effets<br />

de causes que nous ne connaissons point, ils ne peuvent nous donner des idées que des effets,<br />

et jamais des causes ; il faudra donc nous réduire à appeler cause un effet général, et renoncer<br />

à savoir au-delà. 1<br />

Un effet met en jeu un rapport entre deux faits ; et nous avons justement vu que la<br />

connaissance de la nature a pour tâche de dégager des rapports constants. Or qu’est-ce qu’un<br />

effet général sinon un rapport constant et permanent, constaté à chaque fois ? Si nous<br />

appelons cause ce qui rend raison des phénomènes, ne peut-on pas appeler cause ce qui, étant<br />

constant et permanent, rend raison des faits particuliers lorsque ceux-ci lui sont rapportés ? En<br />

d’autres termes, rendre raison, c’est replacer des effets particuliers dans le réseau d’effets plus<br />

généraux, c’est-à-dire dans des lois de la nature, qui ne valent comme lois que par la<br />

constance des rapports qu’elles décrivent. C’est donc refuser toute échappée vers une<br />

métaphysique ; c’est par conséquent refuser de rechercher des causes premières<br />

transcendantes à la nature, c’est-à-dire à ce qui nous est donné par nos sens. Les causes ne<br />

sont que des effets généraux, et il est bien inutile de remonter au-delà :<br />

Si l’on demande au contraire la raison d’un effet particulier, on la trouvera toujours dès<br />

qu’on pourra faire voir clairement que cet effet particulier dépend immédiatement des causes<br />

premières dont nous venons de parler, et la question sera résolue toutes les fois que nous<br />

pourrons répondre que l’effet dont il s’agit, tient à un effet plus général, et soit qu’il y tienne<br />

immédiatement ou qu’il y tienne par un enchaînement d’autres effets, la question sera<br />

également résolue, pourvu qu’on voie clairement la dépendance de ces effets les uns avec les<br />

autres, et les rapports qu’ils ont entre eux. 2<br />

Que des effets particuliers puissent être réellement expliqués par des effets généraux<br />

revient en dernière analyse à rendre compte de la nature par la nature elle-même ; la méthode<br />

1 HN, Premier discours : De la manière, pp. 62-63.<br />

2 HN, Histoire des animaux, chap. 2 : De la reproduction en général, pp. 150-151.

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