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LE MONSTRE, OU LE SENS DE L'ECART ESSAI SUR UNE ...

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351<br />

Nous posions que l’écart-en-tant-que-tel renvoyait nécessairement au plan de la vie.<br />

L’analyse canguilhémienne du vivant monstrueux nous place devant la vie comme errance<br />

vitale. A quel titre pouvons-nous alors dire que l’écart-en-tant-que-tel n’est rien d’autre que<br />

l’errance vitale ? Par quel biais pouvons-nous justifier que l’errance vitale n’est pas autre<br />

chose que la réalité de l’écart-en-tant-que-tel, que sa vitalité même ? La vie ne ferait qu’errer,<br />

car le sens d’être de son être serait ce que nous avons dégagé et nommé comme l’écart-entant-que-tel.<br />

Il nous faut montrer à quel titre nous pensons que l’errance vitale est la<br />

détermination positive du concept d’écart-en-tant-que-tel, dont nous n’avons jusqu’ici que<br />

justifier la nécessité.<br />

1. L’errance vitale, ou la pure indétermination<br />

tel-00846655, version 1 - 19 Jul 2013<br />

Repartons de la leçon des monstres. Les espèces et les individus vivants ne diffèrent<br />

entre eux que parce que la vie diffère avec elle-même. Les écarts, les normes négatives ou<br />

repoussoirs ne sont en rien la négation de la vie, mais bien plutôt la vie : soit un processus qui<br />

implique la négation à même l’évolution. Les monstres font apparaître la vie comme<br />

apparaissant par l’écart, la dissidence, la non coïncidence avec elle-même. Les vivants sont<br />

normatifs, au sens que Canguilhem donne à ce terme, parce qu’ils sont fidèles à l’infidélité<br />

même de la vie, parce qu’ils continuent, à leur propre échelle, d’être la nouveauté,<br />

l’instabilité, la rupture que la vie, par eux, introduit en elle-même. Ainsi Canguilhem fait-il<br />

remarquer, en commentant le chapitre III de L’évolution créatrice de Bergson, que « l’hérédité<br />

n’est pas seulement transmission de caractères, mais transmission d’une instabilité, d’une<br />

latitude de dissemblance, Bergson oppose ici la variabilité à l’invariance. L’élan vital n’est<br />

pas linéaire, il tolère une marge de dissidence » 1 . Mais, plutôt que d’« élan vital », nous<br />

affirmons que cette instabilité intrinsèque est celle d’une « errance vitale ». En effet, il y va<br />

bien plus que d’une instabilité, il y va d’une pure indétermination, à savoir : d’une dispersion<br />

de la vie dans l’indétermination. Il nous faut d’abord comprendre en quoi le concept<br />

d’indétermination qualifie positivement la vie, avant que de préciser la différence entre<br />

l’image de l’élan vital et celle d’errance vitale.<br />

Indétermination, hasard<br />

Que la vie soit indéterminée ne signifie pas d’abord qu’elle soit hasardeuse, mais<br />

plutôt contingente. Le hasard ne permet pas de saisir l’indétermination de la vie en sa plus<br />

profonde radicalité. En tout premier lieu, le hasard renvoie étymologiquement à l’aléatoire du<br />

coup de dé. Or, pour qu’il y ait un tel coup, encore faut-il qu’il y ait un dé qui soit déterminé<br />

comme tel. Aussi le hasard joue-t-il avec du déterminé, comme les épicuriens s’amusent à se<br />

1 Annales bergsoniennes. III. Bergson et la science, éd. Frédéric Worms, Paris, PUF épiméthée, 2007, p. 158.

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