Le royaume d’Icare

Mais ce soir, il tombe sur une partie de poker autour d’une
malle renversée.
— Qu’est-ce que tu fais ici, toi demande le plus vieux tout
en distribuant les cartes. Si tu parles…
Il lui montre son canif.
— Tu es le nouveau demande le joueur qui lui fait dos.
On le surnomme Fritz. Très grand pour ses quatorze ans.
— Je peux regarder
— Tu connais le black jack, petit demande celui à la face
pleine de boutons.
— Il est fauché, commente Fritz. Assieds-toi et ne dis rien.
Anne ayant atteint l’âge de quatre ans, les enfants Nilsson
sont définitivement remis à un grand orphelinat public. Une
clause du testament interdit que les enfants soient séparés,
ce qui enlève tout espoir de leur trouver une famille d’accueil.
Une vie dure, comprend le garçon. Où les plus vieux
et les plus rudes sont maîtres. Anne impressionne les jeunes
filles qui lui racontent leurs rêves. Elle décide si c’est bon ou
non. Si on lui demande pourquoi, elle répond : « Un dragon »
ou : « à cause du bâton ». Comme frère et sœur étant inséparables,
on lui fiche la paix sous peine d’être boycotté par les
filles. Elles le trouvent gentil et intelligent.
Le groupe de joueurs utilise deux vieux jeux dont John a
déjà identifié la dame de trèfle à un pli transversal et le sept
de coeur à un coin rogné. Quand il ne reste plus de cartes, ils
brassent celles déjà utilisées. À côté de lui, le grand Fritz grimace.
Le brasseur lui a retourné un huit et un six, lui-même
aligne dame et neuf.
— Avec les deux dernières, ça fera vingt et un, conclut le
petit Nilsson qui ne comprend pas la grimace.
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