Le royaume d’Icare

que de mauvaises manières. Dans les cultures orientales, lui
confiera le jeune Bennett lors d’un souper en l’honneur de
Feuerbach, ce sont jusqu’aux souffrances et désirs sexuels
qui diffèrent.
À Londres, étourdi par ce tourbillon de nouveauté, reprenant
son souffle entre deux chapelets de gares, le jeune
Itchkoff termine quatrième ex aequo avec Bennett, qui
deviendra champion d’Angleterre la même année. Feuerbach
et Dvorek ont dominé la compétition. Face au vieux
Culbertson en dernière ronde, une défaite crève-cœur laisse
Itchkoff sans âme devant les restes de son armée. Le constat
sur l’échiquier lui reproche son insouciance devant les ressources
combinatoires adverses. La salle se vide. Feuerbach
s’assoit devant lui. Ils ont fait le trajet ensemble depuis Berlin.
Hans découvre un homme d’une acuité de jugement remarquable
et d’une gentillesse désarmante. Il lui montre sa
partie, explique son ouverture, sa stratégie, les raisons qui
motivent ses coups. Son désespoir surtout quand, dans une
position saine et supérieure, il juge impétueuse la menace
d’un cavalier qui saute de nulle part vers sa perte. Hélas, le
sacrifice s’avère gagnant.
— Il aurait fallu prendre le temps de découvrir et de désamorcer
cette ressource adverse, remarque Itchkoff, de dépit.
— Votre position n’était donc pas aussi saine que vous le
pensiez, Hans. Vous êtes trop dogmatique. Essayez de rêver
un peu quand vous jouez. Jouez! Ce n’est pas parce que votre
adversaire a une mauvaise position qu’il va tout simplement
baisser les bras. Culbertson est un compétiteur d’expérience,
il a choisi une ligne de jeu douteuse mais compliquée. Vous
ne pouvez pas contrôler le déroulement de la partie, Hans.
L’homme est de nature intuitive et aux échecs deux libres arbitres
s’opposent. Montrez-moi vos autres parties, demande
Feuerbach, insensible devant la mine déconfite du jeune.
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