Le royaume d’Icare

Miguel l’a vu entrer chez la pute. Il l’imagine sur le grabat
de l’autre côté du mur, tout près, dans son décor de luxure.
Miguel va transiger gros, très gros. Son contact apporte une
mallette emplie de billets qu’il va échanger contre la valise
cachée, emplie de billets, mais beaucoup plus grosse. Une
opération délicate entre à-peine-connus qui doivent faire «
non connaissance ». Par politesse justement. Deux personnages
qui vont se donner la réplique, se sachant mutuellement
escroc.
Belladona débute dans le métier, seize ans à peine. D’un
côté, un fabricant de fausse monnaie vient de lui livrer sa
marchandise, une valise bondée de faux billets. De l’autre
côté, des messieurs de bonne société que ça accommoderait
de transiger du faux à l’étranger. Quelques billets à la fois,
petit à petit, question d’alléger les coûts de voyage. Ce que
raconte son contact du moins. Entre le faussaire du quartier
pauvre et les faux airs du quartier riche, le contact et Belladona
encaissent les frais intermédiaires, les « coûts afférents
» en langage cossu. Entre ce que Belladona a payé et
ce qu’il va recevoir, il y a une sacrée marge. Et si le prix est
convenable pour son contact, c’est qu’il y trouve profit. Deux
trafiquants qui s’interposent entre soi et la reconnaissance
judiciaire, ça fait des gens heureux.
Miguel fait donc le pied de grue dans l’ombre quand le
mari se pointe chez la pute du rez-de-chaussée. Monsieur
retrouvera la nuit en ressortant. Pour le moment, il en a oublié
la proximité. Une simple porte passée et changent l’atmosphère,
l’intérêt, la fortune ou la grandeur.
— Un « théâtre », dirons nous, mon petit, avait résumé sa
nouvelle mère, majestueuse dans une robe bleue. Une princesse
aux yeux de l’enfant. C’est la grande scène de la vie.
Viens ! ordonne Béatrice en lui offrant sa main gantée d’une
«
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