Le royaume d’Icare

lité avec Bennett, Hackerman et Dvorek, derrière Hensen
et Feuerbach ex æquo. Un maigre demi-point sépare la première
de la sixième place. Personne ne veut céder, personne
ne parvient à se détacher du peloton. Près de la moitié des
parties se terminent par la nullité. Bjelica mêle les cartes en
annulant contre Hensen dès la première ronde, puis en battant
Feuerbach à l’avant-dernière. Malgré qu’il ait les noirs
en dernière ronde, le champion se voit obligé de vaincre
Meyer pour partager la meilleure bourse jamais offerte au
vainqueur.
Étourdi, épuisé et ravi, ses ouvertures écorchées, des dizaines
de positions à analyser. Bjelica repart comme il est arrivé,
sans comprendre qu’entre-temps il a escaladé la montagne
et en est redescendu maître, reconnu tel par ses pairs.
Le Polonais errant va de compétition en compétition,
incluant les meilleures, et termine toujours dans les premières
places. Dorénavant les invitations incluent les frais
de voyage, le gîte et les repas. Les bourses demeurent toutefois
modestes pour qui doit en vivre. Ekenstein poursuit
sa fréquentation des cafés. Dix-huit mois plus tard à Prague,
c’est la déroute d’Itchkoff. Le champion du monde vient de
pourfendre un troisième aspirant au titre. Le chroniqueur
du Deutsche Schach interroge : « Qui sera le prochain, Hensen
ou Ekenstein » Le British Chess Magazine reprend
la question. Début 1911, les chroniqueurs tiennent la réponse.
Ekenstein vient de remporter le tournoi de Milan
haut la main, battant Hensen. Appelé à commenter le talent
d’Ekenstein, Feuerbach répond :
— Je crains qu’il ne se révèle le plus redoutable prétendant
que j’aie à affronter. Ekenstein est un « géomètre de l’esprit
», expression que tous les chroniqueurs rapportèrent.
De mauvaises langues virent dans ce commentaire une
manœuvre pour faire monter les enchères. Une raison tout
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